LE COURS EN AUDIO
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Deux versets semblent se contredire.
Dans la Parshat Mishpatim (Shémot 21,19), on voit que la personne frappée par son prochain doit se soigner וְרַפֹּא יְרַפֵּא vérapo yérapé, aller chez le médecin.
Mais de l'autre côté, on voit dans Shémot 15, 26 que אֲנִי ה' רֹפְאֶךָ ani Hashem Rofekha, qu'il faut donc se tourner vers D.ieu pour être guéri.
La Gmara Massekhet Baba Kama 85a nous dit qu'on apprend de ce premier Passouk, que la Torah autorise le médecin à exercer.
Quel aurait été le problème ?
Rashi et Tosfot expliquent qu'on aurait pu imaginer que guérir une personne va à l'encontre de la volonté d'Hashem qui l'a rendu malade.
C'est un sujet sympathique qui permet de lancer une passerelle entre le monde rabbinique et le monde médical. Il y a déjà beaucoup de points communs entre les rabbins et les médecins : tout d'abord tous les deux ne sont jamais contents de leur Parnassa ! Il y a aussi le fait qu'ils pensent toujours avoir tout compris et être les plus intelligents. Il y a aussi énormément de divergences d'opinion entre les médecins - idem avec les rabbins !
D'ailleurs ce sont sûrement les deux métiers dans l'histoire qui ont attiré le plus de charlatans.
Aussi, tous les deux ont étudié de longues années qui en Yeshiva et qui en Fac énormément de choses pour au final ne pas vraiment s'en servir - le médecin généraliste tout comme le rabbin de communauté est plus psychologue qu'autre chose !
LA CONTRADICTION DANS LES VERSETS
I. La Gmara dans Brakhot
■ La Gmara Brakhot 60a nous donne une loi au nom de Rav A'ha : celui qui entre chez un médecin pour qu'on lui fasse une saignée, une phlébotomie doit prier pour que cet acte médical le guérisse. (Ça se faisait beaucoup à l'époque pour tous les genres de maladies. Au 16e et 17e siècle c'était très répandu en Europe, l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert en parle très longuement).
Pourquoi doit-il prier ?
Car ce n'est pas "la nature" de l'humanité de guérir, elle aurait dû éviter la médecine, mais hélas on en a pris l'habitude.
Cependant Abayé n'est pas d'accord et ramène le Tana débei Rabbi Ishmael qui comprend du פסוק de וְרַפֹּא יְרַפֵּא qu'il n'est pas question de "tolérer" la médecine, c'est au contraire complètement autorisé !
● Cette Ma'hloket apparente est expliqué par le Mishkenot Yaacov (Karlin) dans son livre Kehilat Yaakov (à la fin du 'helek des 'hidoushim).
Il l'a rattache à une autre discussion dans Brakhot 35b entre Rabbi Shimon bar Yo'haï et Rabbi Ishmael.
Ça démarre d'une contradiction apparente dans les versets : on a d'une part écrit dans Dévarim 11, 14 véassafta déganekha ואספת דגנך - tu engrangeras ta récolte, donc une instruction de travailler.
Mais dans Yehoshoua (I, 8) c'est marqué que lo yamoush sefer torah hazé mipikha לא ימוש ספר התורה הזה מפיך, on doit constamment étudier la Torah.
Rabbi Ishmael résout cette contradiction ainsi : il faut travailler suffisamment pour vivre, et le temps libre il faut étudier la Torah.
Mais Rabbi Shimon bar Yohai n'est pas d'accord : comment apprendre la Torah avec si peu de temps par semaine ?
Il faut seulement étudier la Torah et Hashem pourvoira à nos besoins.
Et sur place, le même Abayé nous dit que beaucoup ont fait comme Rabbi Shimon et ça n'a pas vraiment marché.
Ainsi le Mishkenot Yaacov propose de dire ainsi : Rabbi Ishmael pense qu'il faut vivre une vie normale, travailler et aller chez le médecin et est rejoint par Abayé.
Tandis que Rabbi Shimon bar Yohai - rejoint par Rav A'ha - pense que si on se dévoue pour D.ieu, Il se dévouera pour nous : il nous suffira de Le prier si l'on est malade, la subsistance tombera du ciel etc.
Il conclut en disant que puisque la Halakha est comme Rabbi Ishmael, ces 'Hassidim qui ne vont pas chez le médecin ont tort.
II. La solution du Ibn Ezra
Le Ibn Ezra dans Mishpatim (Shémot 23, 25 et 21, 19) fait la distinction entre la plaie qui vient de l'homme et celle qui vient de D.ieu. On doit aller chez le médecin lorsque l'autre nous blesse, par contre si c'est Hashem qui a envoyé une maladie on applique 'ki ani Hashem rofekha' - il faut prier, mieux accomplir les Mitsvot et étudier la Torah.
Beaucoup de rabbins sont en désaccord avec ça.
Par exemple, le Rashba et le Tosfot Rabeinou Perets écrivent exactement l'inverse de l'Ibn Ezra pour expliquer la redondance dans les mots : vérapo yérapé.
Si on avait juste dit vérapo on aurait compris que ça ne s'applique que pour une plaie occasionnée par autrui - comme ce dont le verset parle.
Mais s'il s'agit d'une plaie qui vient du ciel on n'aurait pas eu le droit de se guérir.
Maintenant qu'il est marqué vérapo yérapé, on sait qu'on peut dans tous les cas aller chez le médecin.
Rav Elazar Fleckels (Tshouva Meahava III §37) autorise à se guérir des maladies internes/externes même envoyées par D.ieu. Et il ajoute que l'avis du Ibn Ezra n'est pas l'avis du Talmud.
Déjà le Yam Shel Shlomo (Rav Shlomo Louria) dans la préface de 'Houlin dit que le Ibn Ezra n'est pas un talmudiste. Il y a beaucoup à dire sur le sujet.
III. Rabeinou Bé'hayé
● Rabeinou Bé'hayé sur Shémot 21, 19 concilie les deux versets d'une façon qui peut paraître similaire : il différencie les plaies internes et les plaies externes.
Le verset du médecin parle d'une plaie externe (on nous a frappé).
Par contre si on souffre d'une plaie interne où de toute façon les médecins ne s'y connaissent pas, il faut prier Hashem.
Apparemment, de nos jours ce ne serait plus applicable grâce aux technologies de rayons X, ou à l'usage des IRM.
● Rabbi Yonathan Eybeschutz écrit la même chose dans un petit Kountras qui s'appelle Tiferet Israel (à ne pas confondre avec celui du Rav Lifshitz, le commentaire sur la Mishna). [ C'est à la fin de son livre Karti Oupalti (Hilkhot Nida §188 sk.5 dans les éditions classiques). ]
● Le Gaon de Vilna dans Adéret Eliahou dans Shémot 21, 18 écrit aussi cette idée et rajoute (Adéret Éliahou sur Iyov 5, 18) que particulièrement pour les maladies de dépression il faut préférer la prière car les médecins ne peuvent rien y faire.
[ Le Rav Baroukh Epstein (le Torah Tmima) dans le Mekor Baroukh (II page 1125) relate une histoire qu'il a entendu de son oncle qui l'a lui-même entendu des vieillards de Vilna.
Peu avant le décès du Gaon en 1797, celui-ci était malade.
Sa famille lui a alors supplié de voir un médecin, ce qu'il a fini par accepter.
Il raconta à son élève qu'il souhaitait simplement rassurer sa famille mais qu'il savait très bien que le médecin ne pourra pas le guérir.
On a ainsi ramené un médecin réputé juif qui s'appelait Yaacov Lifshitz.
Lorsqu'il a fini son examen, on lui a alors demandé où en était sa maladie.
Il a répondu qu'il était à Massekhet Kélim, en effet le Gaon de Vilna ne perdait pas une seconde et répétait sans cesse son Limoud. ]
Néanmoins le Maté Moshé (Amoud Gmilout 'Hassadim IV §3 page 414b) repousse l'avis du Rabeinou Bé'hayé et ramène plusieurs preuves contre lui.
Le Torat 'Haim (Baba Kama 85a) écrit plus ou moins la même chose. Il explique la redondance dans les mots vérapo yérapé que ça vient inclure la permission d'aller chez le médecin pour les maladies internes.
L'OPINION DU RAMBAN
Na'hmanide, le Ramban dans Bé'houkotaï 26, 11 pense que si le juif se comporte bien et fait bien les Mitsvot, il n'a pas besoin d'aller chez le médecin, il lui suffit de prier à Hashem. Comme on voit pour le prophète 'Hezkia dans Melakhim II, §20, 2-3.
(Quelqu'un qui a au fond de lui beaucoup de Émouna et de Bita'hone, ressent une joie intérieure qui permet d'éviter beaucoup de maladies.
Rabeinou Yona (Mishlei 17, 22) écrit que la joie du cœur est un moteur de guérison pour l'homme.)
● Comment alors comprendre la Gmara dans Brakhot 60a qui dit que de nos jours puisqu'on a pris l'habitude on peut aller chez le médecin ?
Il la ramène et explique que puisque les gens ont pris cette habitude, Hashem les abandonne aux voies de la nature.
Avec ça il veut expliquer la Gmara dans Massekhet Baba Kama 85a qui dit que la Torah a donné la permission aux médecins de guérir, et non pas "la permission aux malades d'aller chez le médecin".
En effet, le malade ne devrait pas aller chez le médecin, il devrait prier. Seulement s'il a décidé de ne pas avoir de Émouna suffisamment grande, alors on autorise aux médecins de le guérir.
1) Le Rav Wattenberg a pensé à un 'Hidoush dans sa Shita : il est possible que ça ne couvre pas tous les maux.
Ainsi si quelqu'un a un mal de tête par exemple, il pourrait prendre du Paracetamol.
Car le Ramban lui-même écrit dans Shaar Hagmoul page 150 (l'édition avec le 'Hazon Yoel) que les petits pépins de la vie de tous les jours comme les maux de tête qui concernent tout le monde mêmes les rois - ne sont pas envoyés par le ciel en tant que punition mais c'est simplement le Minhag Haolam, c'est la vie.
2) [Note : On passe à 1h4m9s] Dans le Nitsotsei Or de Rav Reouven Margaliot (Psa'him 56a), il écrit qu'il est possible que même ceux qui pensent comme Na'hmanide - qu'il faut seulement prier lorsqu'on est malade - seraient d'accord que de nos jours on doit aller chez le docteur.
Car c'est uniquement à l'époque où il y avait des prophètes et on pouvait leur demander la raison de cette maladie qu'il était interdit d'aller chez le médecin.
Mais aujourd'hui, aucun problème.
Le Ramban lui-même disait qu'après qu'on en ait pris l'habitude (comme c'est marqué dans la Gmara Brakhot 60a), Hashem nous laisse selon la nature.
■ On reproche le roi Assa (dans Divrei Hayamim II §16, 12)) de ne pas avoir recherché D.ieu mais (seulement) d'avoir consulté des médecins.
C'est comme si on disait à Pessah à un homme que d'une part il n'a pas mangé de Matsa et qu'en plus il a mangé du 'Hamets. On lui reproche donc à part entière d'être allé chez le médecin.
Dans le texte, on ne sait pas quelle était sa maladie, si elle était extérieure ou intérieure etc. Mais dans Sota 10a c'est écrit qu'il souffrait de פדגרא, il était podagre (la goutte).
■ La Gmara dans Brakhot 64a nous raconte que pendant les vingt-deux années où Raba était le grand Rabbin, Rav Yossef n'a même pas appelé une seule fois le médecin.
On voit bien qu'en principe on ne doit pas aller chez le médecin.
1) Concernant le Rav Assa, on peut comprendre simplement qu'il n'a pas recherché D., mais seulement les médecins.
Mais s'il avait recherché les deux, ça irait.
Ce qui n'est pas le cas avec 'Hamets et Matsa, ce sont deux choses différentes et on pourrait trouver une troisième possibilité : ne manger ni 'Hamets ni Matsa mais autre chose.
Mais chez nous il n'y a que deux possibilités : faire confiance entièrement à D.ieu ou pas
2) Lorsqu'on dit que Rav Yossef n'est pas allé chez le médecin, il faut lire le contexte !
Rav Yossef a voulu montrer qu'il ne jouait pas le rabbin concurrent à son ami Raba, et donc par mesure de Anava, d'humilité, il n'a pas voulu appeler le médecin chez lui mais il a du se déplacer comme tout le monde. Et c'est ainsi que Rashi explique sur place.
Le Taz déjà lui reproche déjà (Yoré Déa §336, 1).
Et même si le Ramban voulait avoir une nouvelle lecture de la Gmara pas comme Rashi (hormis toutes les questions qu'elle susciterait : pourquoi seulement pendant les vingt-deux ans du règne de Raba etc.), on pourrait toujours interpréter cette Gmara comme Rashi.
1. Le Akeidat Its'hak
Le Akeidat Its'hak du Rav Its'hak Arama רב יצחק ערמה (Vayishla'h §26) écrit que l'idée du Ramban est un non-sens.
Il serait interdit d'aller chez le médecin, mais que celui-ci aurait le droit d'exercer, si on n'a pas le droit d'y aller il ne devrait pas avoir le droit de soigner !
Il y a le problème de lifnei iver, de provoquer que les autres fautent !
● Mais on pourrait répondre que la faute n'est pas de rentrer chez le médecin, la faute est le manquement dans la Émouna.
Ainsi, dès qu'il a fait son choix de suivre les voies de la nature (qu'il a pris l'habitude de se soigner), il est déjà en faute, et le médecin a alors le devoir de le guérir.
Pire que ça, on pourrait même penser qu'il ne pourrait plus faire marche arrière après avoir fait son choix de vie car Hashem refusera désormais de le guérir.
2. La médecine dans le Talmud
Il y a une plus grosse question encore sur le Ramban, on voit dans une multitude d'endroits que les rabbins allaient chez le médecin lorsqu'ils étaient malades !
■ Dans 'Houlin 111b, on nous raconte que Rav est allé chez son petit-fils, qu'il a eu mal à l'œil, et qu'on lui a alors appliqué une pommade.
■ Dans Psa'him 25b, Ravina étale une pommade sur sa fille.
■ Dans Shabbat 33b et dans le Midrash Kohelet Raba (§10), on voit qu'après que Rabbi Shimon bar Yohai et son fils soient sortis de la grotte dans laquelle ils étaient restés 13 ans, ils étaient couverts de boutons et sont donc partis à Tibériade faire des bains de boue.
■ Dans Nédarim 49a, Rabbi Yrmiya était malade et le médecin est venu le guérir.
■ Dans Baba Métsia 85b en bas, on voit que Rabbi Yehouda Hanassi avait Shmouel l'Amora pour médecin personnel !!
■ Ce même Shmouel dans Baba Métsia 113b dit qu'il connaît le remède à toutes les maladies.
■ La Gmara Sanhédrin 17b dit qu'un Talmid 'Hakham n'a pas le droit d'habiter dans une ville s'il n'y a pas de médecin.
C'est vrai que sur place Rashi nous dit qu'il s'agit du Mohel, du circonciseur, mais la majorité des commentateurs n'apprennent pas comme ça.
■ Pire que ça : on voit même au Beth Hamikdash (la Mishna au début du cinquième chapitre de Shkalim), que Ben A'hiya était médecin là-bas.
Le Bartenora sur place et d'autres expliquent que c'était nécessaire car d'une part les Kohanim marchaient pieds nus, et d'autre part ils mangeaient énormément de viande.
Des dictons aussi dans le Talmud nous indiquent qu'ils allaient chez le médecin sans complexe.
■ Dans le Yéroushalmi sur Taanit Perek 3 Halakha 6, dans Shémot Raba Perek 21 et dans le Tan'houma sur Mikets Siman 10 c'est écrit : honore ton médecin avant d'en avoir besoin.
■ Dans Baba Kama 85a aussi, on dit qu'un médecin qui guérit gratuitement ne vaut rien.
On voit presque la même chose dans le Zohar 'Helek 3 Page 299b : lorsqu'un homme faute, parfois on le punit de devoir dépenser de l'argent en allant chez le médecin ou en payant les médicaments, on le rend donc malade.
Et le Zohar dit que tant qu'il n'a pas payé ce qu'il doit, il restera malade.
À part cela, plein de médecins très honorables sont cités dans le Talmud.
■ Rabbi 'Hanina, comme on voit dans 'Houlin 7b et Yoma 49a.
■ Rav Nathan bar Assia (bar Assia veut dire médecin) dans Psa'him 52a.
■ Minyomi Assia cité dans Shabbat 133b.
■ Shmouel Yar'hinaa (qu'on a déjà ramené plus haut) qui soignait Rabbi, dans Baba Métsia 85b en bas.
■ Todos Harofé. Il est cité plusieurs fois, même dans une Mishna dans Békhorot 28b.
À chaque époque on a eu des rabbins qui étaient médecins.
Par exemple la fameuse famille de rabbins qui étaient médecins : la famille Delmedigo.
Notamment, Rabbi Elia Delmedigo et bien sûr le יש"ר מקנדיה (Yashar Mikandia) : Rabbi Yossef Shlomo Rofé Delmedigo.
Rabbi Elia est déjà l'auteur du fameux Be'hinat Hadat, mais le Yashar MiKandia (de l'île de Crête) était plus qu'un grand Rabbin, il était phénoménale.
Et il était aussi médecin -entre autres - car il était aussi mathématicien, astronome, philosophe, talmudiste, juriste.
Plus que ça, on trouve aussi dans le Talmud beaucoup de conseils médicaux, ils ne nous disent pas de prier lorsqu'on était malade.
■ Dans Brakhot 36a : conseils pour soulager les maux de gorge.
■ Dans Guittin 67b : pour celui qui est atteint du Kordaïkous, une sorte de névrose. [Note : et pleins d'autres remèdes encore.]
■ Dans Shabbat 134a, les maux de ventre.
■ Dans Sanhédrin 64a, on nous dit que pour le malade c'est bien de manger un oeuf de telle et telle manière.
■ Dans le Yéroushalmi Nédarim Perek 5 Halakha 1, presque la même chose.
■ Dans Brakhot 40a aussi toutes sortes de conseils culinaires pour toute sorte de maladie.
■ Aussi dans Brakhot 44b et 57a.
■ Dans Nédarim 37b, dans Sanhédrin 101a et dans Ktouvot 110b, on nous dit que le changement brutal dans son régime alimentaire entraîne des problèmes de digestion.
■ Dans Yoma 84a c'est écrit - mais ce n'est pas la Halakha - au nom de Rabbi Mattia ben 'Harach dit que même à Yom Kipour, si quelqu'un a été mordu par un chien enragé il faut lui faire manger du foie de ce chien.
Beaucoup ont voulu voir ici un antécédent à la vaccination de Pasteur.
On sait clairement que Rav Ye'hiel Mikhel Rabinovitch de Paris, l'auteur du Mevo Hatalmoud imprimé à Vilna en 1894, côtoyait Pasteur et on sait qu'il lui a montré cette Gmara.
La question est de savoir s'il lui a montré avant ou après.
Mais en réalité on sait que Pasteur a construit ses travaux sur les travaux de son collègue Pierre Victor Galtier.
Pasteur a simplement su le devancer et a ainsi piqué la découverte à Galtier.
3. Le Sheilat Yaakov
Il y a plusieurs questions du Sheilat Yaakov (§5) du Rav Yaacov Prager, רב יעקב פרגר contre la Shita de Na'hmanide.
Une d'entre elle est comment la Torah peut-elle permettre de transgresser Shabbat pour un acte médical vital.
Si l'on doit en théorie se guérir par le Bita'hone et la Émouna, alors pourquoi dès le début la Torah prévoit ces autorisations de transgresser Shabbat ? On devrait simplement prier !
Deuxièmement : on sait très bien que Rabbi Yéhouda avait un médecin qui était Shmouel.
Aussi, on voit dans Guittin 56b que Rabbi Yo'hanan ben Zakaï a demandé qu'on amène des médecins pour soigner Rabbi Tsadok, il ne l'a pas laissé à ses prières !
[Note : On passe à 1h04m54s par souci de clarté]
4. Le Zohar dans Haazinou
Il est marqué dans le Zohar sur Haazinou 'Helek 3 page 297a que c'est Hashem qui fait en sorte que l'homme soit malade, mais Il veut aussi que ce soit un autre homme qui le guérisse.
1. C'est clairement contre Na'hmanide qui soutient que Hashem attend de l'homme qu'il Le prie lorsqu'il est malade.
2. Et ça contredit aussi l'idée du Ibn Ezra (cf. tout début du shiour) que c'est seulement sur une plaie par l'homme qu'on peut aller chez le médecin, mais que sur une maladie (envoyée du ciel) il faut prier.
5. Le Yad 'Hanokh
Une autre preuve contre le Ramban est ramenée par le Shout Yad 'Hanokh (§49), de Rav 'Hanokh Heynekh ר' חנוך העניך celui qui a écrit les Hagaaot Ein 'Hanokh sur le Shem Hagdolim.
Il ramène le Midrash Shmouel (§4) qui dit quasiment explicitement comme Maïmonide (ramené plus bas).
On raconte là-bas que Rabbi Akiva, Rabbi Ishmael et un autre monsieur se promenaient dans les rues de Jérusalem.
Ils rencontrèrent une quatrième personne qui se plaignait de douleurs et demandait quoi faire et les deux Tanaïm lui indiquèrent alors quels médicaments prendre pour guérir.
La troisième personne s'étonna alors :
"N'est-ce pas Hashem qui a rendu malade cet homme, de quel droit vous mêlez-vous de choses qui ne vous concernent pas ?
- Dans quoi travailles-tu ? lui demandèrent alors Rabbi Akiva et Rabbi Ishmael
- Je laboure autour de mes vignes, je mets des engrais etc.
- De quel droit te mêles-tu de choses qui ne te regardent pas ? Ça ne concerne que D.ieu.et la vigne si elle va pousser !
- Mais si je ne m'en occupe pas, ça va partir n'importe comment, les fruits ne seront pas bien. Il faut travailler la terre pour avoir de bons fruits !
- Shotei Shébaolam ("débile mondial", fou qui est dans le monde) !
Réfléchis une seconde : l'arbre est à comparer à l'homme, l'engrais aux médicaments, et l'homme qui travaille la terre est à comparer au médecin : de la même manière qu'il faut mettre des engrais dans la terre, le médecin doit donner des médicaments aux patients et il n'y a aucun problème à cela."
Ce Midrash est donc explicitement contre le Ramban (ramené plus bas).
Et même d'après le Nitsosei Or, Rabbi Akiva et Rabbi Ishmael auraient dû préciser qu'en théorie il a raison, mais qu'aujourd'hui où il n'y a plus de prophètes il est en tort, pas besoin de le traiter d'idiot !
LES MEDECINS DANGEUREUX
Beaucoup soutiennent qu'il suit la Shita de Na'hmanide parce qu'il pestait contre les médecins.
Le Rav Wattenberg pense que c'est faux.
Il est vrai qu'il dit beaucoup de choses méchantes contre les médecins. Par exemple, dans Si'hot Haran (§50) il explique que l'ange de la mort très embêté, pris de court par la surpopulation mondiale, a formé des apprentis qu'on appelle communément les médecins.
Mais d'un autre côté, dans Likoutei Moharan (II §1, 9 et §3), on voit clairement que ce qu'il reproche aux médecins, c'est leurs incompétences.
Et on le voit ça en fait clairement aussi dans Si'hot Haran (§50).
Tandis que pour le Ramban, on ne pourra jamais prendre un médicament même s'il a fait ses preuves, ni aller chez un médecin réputé.
■ Dans la même Shita on a aussi Rav Aïzel 'Harif רב אייזל חריף de Slonim (c'est Rabbi Yéoshoua Its'hak Shapira).
Il est ramené dans le Mekor Baroukh (IV page 1840).
Il dit aussi que les médecins sont des voyous, des assassins et des barbares, et qu'il vaut mieux se tourner vers D.ieu, c'est beaucoup plus sûr.
Il faut savoir qu'à l'époque il y avait beaucoup de médecins qui s'amusaient, qui tuaient à tord et à travers.
Et même d'autres l'écrivent : le Gaon de Vilna dans Mishlé 20, 30 distinguent trois sortes de docteurs.
[ Ce n'est pas qu'un problème chez les juifs. Même Molière aussi s'en moquait dans Le Malade imaginaire. ]
Le Rav Yaacov Galinsky, רב יעקב גלינסקי, ramène la Gmara dans Baba Métsia au deuxième chapitre.
Si un cours d'eau attrape deux objets et que je ne peux en sauver qu'un seul : si je ne connais personne je prends celui que je veux, mais si un des deux est à mon père je dois sauver en priorité celui de mon père.
Maintenant, si j'ai le choix entre l'objet de mon père et celui de Rav, si mon père ne m'a pas enseigné de Torah, alors la Gmara dit que bien que le père nous a amené à ce monde ci, malgré tout puisque le Rav nous a amené au monde futur, alors son objet est prioritaire.
Rav Galinsky demande alors ce qu'on doit faire si on a le choix entre l'objet de son Rav et l'objet de son médecin.
Il dit qu'il faut sauver celui du médecin.
Pourquoi ?
Le Rav nous amène à la vie du mode futur, certes, mais pas tout de suite dans cinquante soixante ans ou plus.
Par contre le médecin nous amène directement au monde futur, il est largement prioritaire !
Tov shebarofim leguéinom
La Gmara Kidoushin 82a dit que טוב שברופאים לגיהנום, "tov shebarofim leguéinom", même le meilleur des médecins est voué à l'enfer.
Beaucoup d'explications ont été données : l'orgueil, le manque de Bita'hone - de foi en D.ieu, le fait de prendre de l'argent pour guérir, refuser les patients pauvres, on lui reproche certaines choses concernant les patients femmes etc.
[Note : Pour les références, voir le deuxième message de Rav Wattenberg sur ce message.]
Une fois un médecin a demandé au Rav Shlomo Zalman Auerbach l'explication de cette phrase.
Il lui a répondu que beaucoup ont donné des pshatim là-dessus, mais qu'en réalité c'est au médecin de savoir par quel problème il est concerné.
■ D'après ce qu'on a dit on peut simplement expliquer qu'à l'époque il y avait tellement de médecins malhonnêtes et voleurs, qu'on était énervés contre eux.
► Mais avant Rav Na'hman de Breslev et Rav Aïzel 'Harif, le Yaabets déjà - Rabbi Yaacov Emden (Mor Ouktsia §328) écrit qu'il est permis d'aller chez le médecin sauf si c'est dangereux et que le médecin n'est pas très clean; dans ce cas là il faudra uniquement se tourner vers le bon D.ieu
Le Rav Shlomo Zalman Auerbach dans son Min'hat Shlomo (II, §82) dans la note en bas de page, veut ramener une preuve pour le Yaabets à partir du Tosfot qui avait expliqué la redondance de vérapo yérapé en incluant les plaies qui viennent du ciel (cf. début du Shiour).
On aurait dû tout simplement inclure que même pour les cas médicaux dangereux, il faut aller chez le médecin !
S'il ne l'a pas dit, c'est qu'il pense que pour les cas dangereux il faut prier à Hashem.
[ Dans le Nefesh Ha'hayim (Shaar 2, §11) c'est écrit quelque chose d'affolant.
Il dit qu'il ne faut pas prier parce qu'on souffre, mais uniquement pour le bon D.ieu.
Car lorsque l'homme souffre, la chékhina souffre aussi.
La pashtout (ce qui ressort à première vue) des textes indique l'inverse.
Le Rivash (§157) ramène que le Rishon Rabbi Shimshon de Chinon, רבי שמשון מקינון, qui était un grand Tossafiste, disait qu'il fallait prier comme un fils supplie à son père et sans Kavanot, sans intentions détournées particulières. ]
LE LIVRE DES REMÈDES
Dans Psa'him 56a et dans Brakhot 10b, on a la fameuse Gmara qui nous parle du livre des remèdes, le Sefer Refouot.
'Hezkia a enterré le livre des remèdes et les 'Hakhamim l'en ont félicité.
Quel est ce livre et pourquoi l'a t'il enterré ?
Rashi explique que les gens ne se souciaient pas vraiment des malades.
Le Ramban dans Bé'houkotaï 26, 11 et le Maharsha dans Guittin 68b expliquent que dès qu'on était malade on consultait ce livre, et il y avait un grand manque de Bita'hone chez les juifs.
► Le Yalkout Haréouvéni dans Bereshit page 53a écrit qu'un ange l'a enseigné à Adam Harishone alors qu'il était encore au Gan Eden.
► Le Tashbets Katan (§445 page 76 de l'édition classique) ramené dans le Seder Hadorot (I, année 1657 אלף תרנז) dit que dans l'arche de Noé, tout le monde était malade : ils y sont restés un an, il y avait un manque d'hygiène et l'alimentation n'était pas équilibrée etc.
Alors un ange a pris un fils de Noé, l'a amené au Gan Éden et lui a enseigné tous les remèdes.
Lorsqu'il est revenu dans l'arche, il a tout écrit et ça a formé le Sefer Harefouot (livre des remèdes).
Le Binyan Yéoshoua dans Avot dérabbi Nathan (2, 4) dit que cette idée est impossible à inventer, le Tashbets l'a forcément lu dans un Midrash que l'on a perdu.
Mais en réalité on a un petit Midrash qui dit pratiquement la même chose, c'est le Midrash Noa'h, il est écrit dans le Otsar Hamidrashim compilé par Rav Yéhouda David Eisenstein (page 400).
(On y dit que ça été transmis à Noé après le déluge par l'ange Rafael.)
► Le Tosfot Yom Tov, à la fin du quatrième chapitre de Massekhet Psa'him, écrit que dans la préface de son explication sur le 'Houmach, le Ramban (Na'hmanide) dit que l'auteur de ce livre est le roi Salomon.
Mais quand on voit là-bas, ce n'est pas exactement ce qui y est écrit, on dit que Shlomo a écrit un livre de médecine, mais on ne dit pas si c'est celui que 'Hezkia a enterré.
Néanmoins le Radak, Rabbi David Kim'hi (Melakhim II, §20, 3), le Rashba (Shout I fin §413), et le 'Hida dans Shem Hagdolim (II, Ot 8 §87) écrivent clairement que c'est Shlomo Hamelekh qui a écrit ce fameux Sefer Harefouot.
■ Le Rambam (Maïmonide), dans son Piroush Hamishnayot à la fin du quatrième chapitre de Psa'him, (et il écrira plus ou moins la même idée dans son Guide des Égarés III, §37 mais de manière plus concise) n'est pas d'accord avec cette idée.
Il dit à propos de ceux qui pensent que 'Hezkia a enterré ce livre parce que les gens n'avaient plus de Bita'hone en Hashem, qu'il est honteux de dire ça et d'attribuer une telle folie au roi 'Hezkia qui était un Tsadik.
Si quelqu'un a faim, doit-il manger - ce qui est le remède à la maladie de la faim ou bien doit-il prier à Hashem ? Évidemment qu'il doit manger !
● Alors pourquoi a-t-il enterré ce livre ? Parce qu'il y avait des dessins de Avoda Zara. (À priori ne peut plus dire que c'est Shlomo Hamelekh ou l'ange qui en est l'auteur.)
La question qui se pose est pourquoi avoir enterré ce livre - ce qui est une marque de respect - et ne pas l'avoir brûlé comme un livre de Avoda Zara ?
À cause de ça, le Tiferet Israël écrit dans Psa'him Perek 4 Siman 52 qu'il y avait des dessins d'animaux et d'astres, et puisque les gens auraient pu mal comprendre et penser que l'astre lui-même guérissait à ce moment, ils auraient pu finir par se tourner vers la Avoda Zara.
Pour éviter cela, 'Hezkia a enterré le livre.
Maintenant qu'il ne l'a que enterré, ils auraient pu le récupérer en cas de besoin.
Donc, on pourrait toujours dire que c'est l'ange ou bien Shlomo Hamelekh qu'il l'a écrit, mais le Rambam lui-même a l'air de se moquer de ceux qui disent que c'est Shlomo.
Le Rambam continue et précise qu'il n'aurait pas eu besoin de dire toutes ces choses si simples : qu'on ait le droit de se soigner, mais il a ressenti le devoir de le préciser car il y a des fous qui diffusent cette idée - qu'on a enterré ce livre à cause du manque de Bita'hone.
Le Tosfot Yom Tov (Psa'him Perek 4 Mishna 9) a compris que Rashi pense comme Na'hmanide et c'est donc lui qui est traité de fou ici par le Rambam. (En effet, le Ramban et le Maharsha n'était pas encore nés. Na'hmanide avait 10 ans lorsque Maïmonide est mort.)
Mais il ne semble pas que Rashi pense comme Ramban.
Il ne fait que dire que le cœur des gens n'était pas tourné vers les malades.
Puisque les malades guérissaient rapidement, alors on n'avait jamais de la peine.
Si Rashi pensait comme le Ramban, pourquoi parle-t-il d'un cas où les autres sont malades ? Il aurait dû dire "parce que le malade n'avait plus le cœur tourné vers sa maladie".
(Voir aussi ce message sur la shita de Rashi.)
On pourrait même amener une preuve à cela.
La Gmara dans Sota 42b nous dit que si un homme ressent tel et tel signe alors il aura telle et telle maladie.
On demande ce que ça change de savoir ça, puis on répond "pour qu'il fatigue sa personne".
Et Rashi explique : pour qu'il se fatigue à trouver des médicaments avant que la maladie ne se développe trop.
Donc Rashi ne peut pas penser comme le Ramban, vu que ça ne lui pose pas de problème de se soigner
► Dans ce cas-là, qui visait Maïmonide ?
Rav Wattenberg pense qu'il ne visait pas les rabbins de l'époque, mais les Tsdokim (les Sadducéens).
Le Rambam a beaucoup œuvré contre les Sadducéens, et il se trouve qu'ils interprètent le verset Ani Hashem Rofekha comme un interdit d'aller chez le médecin.
(Ils prennent le texte biblique à la lettre, sans utiliser la tradition orale. Ils n'en restent pas beaucoup, c'est peut-être pour ça.)
C'est sûrement contre eux que le Rambam s'insurge ici.
Beaucoup ont pensé que le Rashba était clairement contre Maïmonide.
Dans son Shout Harashba (I, fin §413), il écrit qu'on a enterré ce livre car les gens ne recherchaient plus D.ieu etc.
Et à la fin du §414 il écrit sur ce que le Rambam a dit, (que des fous pensent qu'on a enterré ce livre car il fallait que les gens prient à Hashem lorsqu'ils sont malades), qu'il s'étonne sur cette bouche sainte, comment a-t-il pu dire une telle chose et comment son esprit si clair a pu se fourvoyer à ce point.
Mais c'est faux.
On peut toujours dire que le Rashba permet d'avoir recours à la médecine et aux médicaments, mais il précise qu'il faut aussi avoir Bita'hone en Hashem, pas seulement aux médicaments.
Et la raison pour laquelle il s'étonnait sur le Rambam est comment a t'il pu insulter l'autre partie de fous (comme le Ramban), c'est assez dur.
On pourrait simplement répondre qu'il a repris les mots du Midrash qu'on a vu plus haut.
Une deuxième chose qui aurait pu le déranger c'est la comparaison entre le malade et celui qui a faim.
La maladie de la faim revient tous les jours, ce n'est sûrement pas lié à son niveau spirituel.
Tandis qu'une maladie qui ne touche que quelques individus, on peut dire que c'est une épreuve ou une punition envoyé du ciel par exemple.
CONCLUSIONS
● Le (Mahari) Rabbi Yehouda Ayache, dans Shevet Yehouda (Yoré Déa §336, 1) écrit que la recherche d'un médecin pour se guérir est obligatoire.
Et la personne qui se laisse aller et qui pense qu'Hashem lui fera un miracle et le guérira, tout cela c'est une pensée de fous. (Le même terme que le Rambam et que le Midrash.)
Et il ajoute qu'il devra rendre des comptes à ce sujet.
C'est un 'hassid shoté, un dévot cinglé, car Hashem a transmis les rênes du monde à la nature.
● On retrouve la même chose dans le Maavar Yabok מַעֲבַר יַבֹּק ('Helek Korban Taanit §5), que celui qui s'empêche d'avoir recours à la médecine est inclus parmi les fauteurs.
● Le 'Hazon Ish aussi (Igrot I §136) ramène qu'il y a beaucoup d'Amoraïm dans le Talmud qui allaient chez le médecin, que beaucoup de plantes ont été créées par D.ieu uniquement dans ce but.
C'est vrai qu'en parallèle il faut avoir du Bita'hone, mais il ne faut pas se baser entièrement dessus.
● Le 'Hida (Birkei Yossef Yoré Déa §336, 2) écrit que de nos jours il est interdit de s'appuyer sur un miracle, et qu'il est obligé d'aller chez le médecin.
Et celui qui dit avoir confiance en Hashem qui va le guérir, est un Rasha et il fait un péché car il est en train de se dire qu'il est plus grand que les grands Tsadikim des générations passées qui ont eu recours à médecine.
C'est pratiquement un Issour ce qu'il fait que ce soit à cause de l'orgueil qu'il comporte ou bien par le fait qu'il soit Somekh al Haness (comme on a vu au début du cinquième chapitre de Shkalim, qu'il y avait un médecin au Beth Hamikdash, donc il ne s'attendait pas à un miracle même dans ces conditions).
On doit bien sûr en parallèle avoir du Bita'hone en Hashem qu'il envoie la bonne idée au médecin par exemple.
C'est aussi ce qu'écrit le Ba'h (Yoré Déa §336).
LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE
Dans le Shaarei Tsedek (Yoré Déa §143), de Rabbi Mena'hem Mendel Panet רבי מנחם מנדל פנט c'est écrit qu'il est clair que la Halakha n'est pas comme Na'hmanide et qu'il faut aller chez le médecin.
Néanmoins, s'il s'agit d'un défaut de naissance qui n'entraîne aucune souffrance physique mais une souffrance morale, il est interdit de se guérir.
(Il parlait d'une femme qui ne pouvait pas avoir d'enfant.)
Apparemment si Hashem t'as créé comme ça, il faut l'accepter.
Alors Rabbi Israel Veltz רבי ישראל ועלץ s'est opposé, c'est écrit dans le mensuel Beit Vaad La'hakhamim §26 de l'année 1930 (page 43 du pdf).
Il lui pose deux objections. Mais ces deux objections sont repoussables :
1) Le Tosfot (cf. début shiour) autorise d'aller chez le médecin même pour une maladie qui vient du ciel, et on ne considère pas ça comme aller contre la volonté divine.
►Mais même le Shaarei Tsedek est d'accord avec ça, seulement Tosfot ne parle que du cas où il y a une douleur physique, pas une simple douleur morale.
2) Le Rashba (I fin de §120) permet explicitement à un médecin de guérir une dame non juive qui n'arrivait pas à avoir des enfants.
Et il amène comme preuve que Na'hmanide lui-même a guéri une femme non-juive.
Rabeinou Yona lui a alors envoyé une lettre où il le salue pour avoir multiplier la descendance de Amalek.
C'est ramené dans le Bédek Habayit (Yoré Déa fin §154), dans le Shout 'Hatam Sofer (Yoré Déa §131) et dans le Shem Hagdolim ('Helek I page 50a). Voir aussi le Shiour sur le Racisme.
Et le Rashba explique pour quel raison est-ce autorisé : parce que ça va entraîner la haine envers les juifs.
Pourquoi ? Le Rav Veltz a compris de là qu'on guérissait les femmes juives stériles, et ça faisait des jaloux.
► Mais on pourrait repousser en disant que le Rashba ne parlait pas d'une femme stérile de naissance.
Ainsi, si la non-juive était stérile de naissance, ça énerverait si de l'autre côté on guérit des femmes juives devenues stériles. Les gens ne réfléchiront pas à la distinction.
● Le Tsits Eliezer (XI, §41) ramène ce Shaarei Tsedek et n'est pas vraiment d'accord.
Mais il rapporte qu'une chose est réellement interdite : la chirurgie esthétique pour réparer un défaut de naissance (pas dans des cas accidents etc.).
Pourquoi ?
Il faut avoir la Émouna en Hashem qu'il n'y a pas de meilleur artisan que Lui et s'Il t'a fait comme ça il ne faut pas changer.
► D'après ça on ne devrait pas pouvoir se couper les cheveux ou la barbe, se coiffer ?!
Si on peut s'embellir par ces méthodes, pourquoi ne pourrions-nous pas faire de la chirurgie esthétique ?
Le Min'hat Its'hak (VI, §105), le Rav Weiss penche aussi pour interdire mais essentiellement à cause de l'interdiction de se mutiler.
Mais en réalité, dans un cas où il n'y a douleur ni danger, il y a grand lieu d'autoriser selon ce qu'écrit le Igrot Moshé ('Hoshen Mishpat §103).
Car sinon quelle différence avec les boucles d'oreilles ?
Une fois un homme est allé chez le Steipler à cause d'un problème conjugal : sa femme voulait qu'il fasse de la chirurgie esthétique parce qu'il avait un très long nez.
Le Steipler n'a pas voulu répondre, il ne voulait pas se positionner - certains disent oui d'autres disent non.
L'homme a insisté, mais le Steipler continuait de refuser, il prétendait que ce n'était pas son domaine.
À la fin il l'a envoyé chez Rav Shakh qui était dans la même ville.
L'homme, exaspéré, demanda : "est-ce le domaine de Rav Shakh, la chirurgie esthétique ?".
Le Steipler lui a alors répondu qu'il ne savait pas si c'était son domaine, mais qu'il sait que Rav Shakh kvar horid ète haaf léharbé כבר הוריד את האף להרבה littéralement "il a déjà coupé le nez à beaucoup de personnes", expression signifiant qu'il a déjà cloué le bec à beaucoup de monde.
Alors peut-être qu'il peut aussi faire quelque chose pour toi.
■ Rav Moché Feinstein (Igrot Moshé 'Hoshen Mishpat II, §66), il juge longuement de ce cas-là.
C'est une jeune fille qui lui pose la question, elle n'arrive pas à se marier et veut faire de la chirurgie esthétique.
Et au final il autorise.
■ Pareil le Rav Ovadia Yossef (Yabia Omer VIII 'Hoshen Mishpat §12) autorise dans un cas similaire.
■ Le Shearim Mestouyanim Bahalakha du Rav Brown רב ברוין aussi (§190, 4).
■ Et le 'Helkat Yoav (III, §11) les a devancé, le Rav Weingarten רב וינגרטן.
■ Le Rav Shlomo Zalman Auerbach (Min'hat Shlomo II §82, 7) autorise et même pour un homme dans la mesure où ça se fait uniquement pour enlever un défaut mais pas pour embellir la personne.
RÉCAPITULATIF
■ Le Rambam considère qu'il n'y a aucun problème d'aller chez le médecin, c'est même une obligation, tout en ayant en parallèle un Bita'hone envers D.
Ça bien sûr, c'est dans la mesure où il y a des médicaments, s'il y en a pas il faut évidemment se tourner vers Hashem.
(Le Beth Yossef (Yoré Déa §336) écrit cette idée-là.)
■ Le Ramban Na'hmanide pense que le médecin a le droit de guérir mais le patient ne devrait pas avoir besoin d'aller chez le médecin.
● Sont en désaccord avec lui - hormis Maïmonide qu'on vient de citer : Rashi, Tosfot, le Rashba, le Tosfot Rabeinou Perets, le Torat 'Haïm, le Maté Moshé, le Tshouva Méahava, le Akeidat Its'haq, le Shevet Yehouda Ayache, le Maavar Yabok, le 'Hida, le Shéilat Yaacov, le Mishkénot Yaacov, le 'Hazon Ich, le Yad 'Hanokh, le Shaarei Tsedek et d'autres.
● On a vu que ni le Rashba ni le Rav Na'hman de Breslev n'étaient d'accord avec lui.
Pas non plus le Rav Aïzel 'Harif.
En fait il n'y a pas grand monde du côté de Na'hmanide.
● On a vu le Ibn Ezra qui pense qu'on ne doit pas soigner une plaie qui vient du ciel.
Le Rabeinou Bé'hayé, Rav Eybeschutz, et le Gaon interdisent pour les plaies intérieur. Le Gaon en rajoute pour les psys.
Et enfin l'opinion du Yaabets, du Rav Na'hman de Breslev et de Rav Aïzel 'Harif qui pensent qu'il faut éviter les médecins dangereux.
Le Shaarei Tsedek interdit de corriger un défaut physique pour lequel on ne souffre pas physiquement comme une femme stérile.
Le Tsits Eliezer n'est pas d'accord mais interdit quand même la chirurgie esthétique.
Rav Auerbach autorise même pour un homme afin d'enlever un défaut mais pas pour s'embellir.
Enfin on a vu Rav Feinstein, Rav Ovadia Yossef et d'autres encore qui autorisent même pour embellir - si c'est pour une jeune fille qui cherche à se marier.
Mais Halakha Lémaassé tout dépend, il y a plusieurs paramètres à prendre en compte, il faudra demander à son Rav.
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