Retranscription libre de la Conférence de Rav Wattenberg
LE COURS EN AUDIO
[ Centre-Alef Torah-Box ]
La pratique de la magie est interdite dans la Torah, dans Dvarim 18,10 et dans Shémot 22,17.
L'EXISTENCE DE LA MAGIE
I. C'est une Grande Ma'hloket
Il y a une très grande discussion entre Rishonim et entre A'haronim au sujet de la magie, si ça existe ou pas, s'il y a vraiment une force spéciale ou bien si c'est de l'illusion.
Na'hmanide dit (Dvarim 18,9 aux trois quarts) qu'il y a un koa'h hakishouf כח הכישוף, que ceux qui n'y croient pas ont les yeux bandés parce que ça crève les yeux.
Mais Maïmonide - toujours très cartésien - dans son Mishné Torah (Avoda Zara §11, 16), dans son Moré Nevoukhim (III, §37) et dans son Piroush Hamishnayot (Avoda Zara §4, 7) rouspète contre cet avis, il dit que ceux qui y croient sont des écervelés alors que les gens intelligents savent par des preuves claires que tout cela n'existe pas.
● Beaucoup d'A'haronim, entre autres le Rav Yaacov Moshé Hillel רב יעקב משה הלל dans son Shout Vayeshev Hayam (I, §13) (qui est aussi le livre Tamim Tiyé) et c'est aussi ce qui ressort du Gaon de Vilna (Biour Hagra Yoré Déa §179) soutiennent que la quasi-totalité des commentateurs suivent le Ramban - et considèrent que la magie existe.
Cette idée est intéressante mais l'analyse des sources indique qu'il existe beaucoup de commentateurs qui pensent comme Maïmonide - bien que ce soit probablement l'opinion minoritaire :
- Le Ibn Ezra (Vayikra XIX, 4 et 31 - Shemot XVII, 11) écrit que les imbéciles pensent que si la Torah a interdit la magie, c'est que ça fonctionne (cet argument est ramené par plusieurs commentateurs, par exemple dans les Drashot Ibn Shouib Parshat Réeh). Mais qu'en réalité c'est l'inverse : la Torah n'a pas interdit ce qui marche le emet, seulement le sheker les bêtises.
- Le Rishon Rabbi Yedaya Hapnini Berdessi רבי יְדַעְיָה בן אברהם הפניני או בֶּדֶרְשִׁי (=le bordelais) (le Be'hinat Olam) dans sa lettre au Rashba (Shout Harashba I, §418) écrit que ce sont des élucubrations qui découlent de la faiblesse de l'esprit.
- Le Méiri (Sanhédrin 101a) écrit que ceux qui croient aux démons et en leurs actions n'ont pas le droit de les utiliser. [Voir aussi sur Sanhedrin 44a et Brakhot 5a]
- Le Sefer Aïkarim (III, §10) du Rav Yossef Albo écrit que certains devins ont des intuitions puissantes qui ne sauraient être infaillibles.
- Le Kolbo (§97) et le Menorat Amaor (‘Hatimat Ner Rishon, Ner Sheni §75 et d'autres endroits) écrivent que ce sont des choses sans intérêt qui n'existent pas.
- Le Kouzari (IV, §23) écrit que la Torah nous a interdit de croire en de tels futilités.
- Le 'Hinoukh (Parshat Kedoshim Mitsva 249 shélo lena'hesh, Mitsva 250 et 511 se prononcent comme le Rambam que ce sont des délires et des stupidités.
- Le Abrabanel (Shemot XXII, 17) dit la même chose. Néanmoins il dira lui-même dans Dvarim XVIII qu'il est strictement en désaccord avec Maïmonide, donc il faut voir ce qu'il pense exactement.
- Le Mékor 'Haim (commentaire sur le Ibn Ezra) dans Kedochim 76a (dans éd. Mantoue 1559) écrit que la magie et les démons n'existent pas, néanmoins ils peuvent endommager ceux qui y croient : une sorte d'effet placebo négatif.
- Rabbi Yossef Shlomo Delmedigo, le Yashar Mikandia, dans le Sefer Ilem page 23 et pages 118-119 (éd. de 1864) pense aussi comme le Rambam.
- Le Tseida Laderekh (Maamar II, Klal 4) rejette avec beaucoup de mépris toutes ces idées.
Il y en a encore plus chez les A'haronim, entre autres :
- Le Pri Megadim dans son Rosh Yossef sur 'Houlin 105b écrit que l'interdit de la Torah n'est que de s'occuper et de croire à de telles bêtises.
- Rabbi Shimshon Rephael Hirsch sur Shemot XXII, 17 et VII, 11. Voir aussi sur Vayikra XIX, 31 et Dvarim XVIII, 10
● D'autres n'ont pas parlé clairement sur la magie mais de choses similaires comme la Baalat Ov (nécromancie) : quand Shaoul est parti voir celle de Ein Dore pour qu'elle lui montre le défunt Chemouel.
[Dans Pirkei deRabbi Eliezer (§33) c'est marqué qu'elle s'appelait Tsefania צפניה (prénom d'homme en général) et que c'était la mère de Avner.
C'est assez étrange car c'est écrit dans le Midrash Tan'houma Buber (ancienne édition retrouvée récemment) (Parshat Massé §9) que Avner était le cousin de Shaoul, donc qu'elle était sa tante, alors pourquoi ne se sont-ils pas reconnus ?
Mais bon ce n'est qu'un Midrash, ça peut vouloir dire autre chose que mère biologique.]
Le Radak (Shmouel I 28) ramène une Ma'hloket Guéonim à ce sujet et cite Rav Shmouel ‘Hofni Gaon qui pensent qu'en fait elle l'a reconnu dès le début et a arnaqué Shaoul.
Rabeinou Bé'hayé dans son commentaire sur Dvarim 18,10 et le Ralbag sur place dans Shmouel I 28,7 disent aussi la même chose.
Pour d'autres Maré Mékomot sur l'avis du Rambam, ou sur les Sages qui pensaient comme lui, voir ces réponses de Rav Wattenberg : Lien 1, Lien 2, Lien 3 (fin du premier message).
Le thème étant la magie, on va s'intéresser à ceux qui suivent Na'hmanide.
II. Y a t'il de la magie aujourd'hui ?
Certains pensent que cette force de magie existait à l'époque mais qu'il n'y en a plus de nos jours (certains expliquent que c'est depuis que la prophétie a disparu).
Le Rabbi Yaacov 'Haguiz [c'était le plus grand Rosh Yéshiva des Sfaradim en Israël il y a 350 ans, le père de Rav Moshé 'Haguiz] ramené dans le Tiferet Israel (Sanhedrin §7 Boaz ot 3) (il y a une erreur sur le nom du Rav) dit que de ses jours il n'y avait plus de magie.
Le Rabbi Tsadok Hacohen de Lublin (mort en 1900) dans son Ressissei Layla page 81a ramène aussi cette idée.
[Lui-même écrit dans Sefer Hazikhronot (27b) que la force de la magie est purement naturelle, alors pourquoi ça aurait disparu...
Beaucoup d'A'haronim ont cette idée, comme si on montrait un aimant à un homme de Cro-magnon; on n'a juste pas encore découvert comment ça marche.]
Le Torah Tmima (Vayikra XIX §238) cite le Na'halat Shiva (§76) (il y a une erreur d'impression qui indique le Siman 15 mais c'est le Siman 76) qui permet de questionner les devins (!). Il explique qu'il doit sûrement considérer qu'il n'y a plus de force de magie de nos jours et que l'interdit de la Torah n'a donc plus lieu d'être.
On va s'intéresser à ceux qui pensent qu'il y a encore de vrais magiciens de nos jours.
DEUX SORTES DE MAGIE
Il faut distinguer deux choses : la magie via le Koa'h Hatouma כח הטומאה - conjurer des démons, utiliser les forces du mal; et à l'opposé la magie par le biais des Shémot שמות ou Tsiroufei Otiyot צרופי אותיות des noms divins - le Sefer Yetsirah.
Cette distinction est clairement établie dans le Shoul'han Aroukh (Yoré Déa §179, 15).
Le Maharal de Prag dans Beèr Hagola (Beèr 2 page 28) explique que Hashem lui-même a créé le monde de cette façon, donc on n'a pas le problème que ça renverse le Pamalia shel Maala (allusion à la Guémara dans Sanhédrin 67b qui dit que la magie contredit les ordres divins des anges créateurs envoyés par Hashem [c'est juste une idée, Hashem n'a pas besoin d'envoyer des anges pour ça]).
Par contre lorsqu'on passe par les Shémot c'est bon. La nature elle-même a été "créée" par les noms divins.
Le 'Hatam Sofer (Shout Ora'h 'Haïm fin §197) explique que Hashem envoie ses ordres aux anges et la magie envoie un contre-ordre.
LES DANGERS DE LA MAGIE
I. Les livres qui expliquent comment utiliser les noms etc. ne sont pas fiables
En effet, le Ramak (Rav Moshé Cordovero, un grand Kabbaliste, maître du Arizal) écrit dans son Pardes Rimonim (Shaar Pratei Shémot §1, dans l'édition de 1780 c'est page 101a), qu'il n'y a plus rien à chercher dans ces livres parce que - déjà à l'époque du Ramban - voyant les générations dégringolées, les Rabbanim n'ont pas voulu transmettre la Kabbala Maasit et ont falsifié les livres.
Il rajoute qu'il a vu des pseudos rabbins qui se sont appuyés sur ces livres, mais qui, manquant de données ont dû passer par le Koa'h Hatouma par exemple Yossef déLaréna qui massacrent le judaïsme.
II. Pour faire usage de magie autorisée il faut faire très attention, avoir une sainteté excessive, un niveau extraordinaire etc.
● Dans Avoda Zara 17b, on raconte l'histoire d'un des dix martyrs, Rabbi 'Hanania ben Teradion et Rashi explique qu'il utilisait le nom d'Hashem en 42 lettres (Kabbala Maasit). Si un Tana s'est fait brûler vif parce qu'on lui reprochait un manque de Kavanot ou de Kdousha, alors c'est vraiment angoissant pour nous.
● Le Shakh aussi (Yoré Déa §179 sk.18) écrit que de ses jours (il y a 450 ans) il n'y a déjà plus personne au niveau de l'utiliser, et que même le prophète Yéshaya a été puni pour ça.
● Ça a poussé Rav Yaacov Hillel dans son Vayeshev Hayam (I, §13) (Tamim Tiyé page 57) à écrire que de nos jours quasiment personne ne peut arriver à un tel niveau, c'est pourquoi à notre époque la quasi-totalité des rabbins miraculeux le font par Koa'h Hatouma (c'est une accusation gravissime).
Ce livre a l'approbation du Rav Kadouri qui affirme l'avoir lu entièrement.
Le Mahar'hou, l'élève du AriZal écrit (Shaar Roua'h Hakodesh page 13b) qu'il a demandé un jour à son maître ainsi :
"Comment ça se fait que tu nous interdits d'utiliser la Kabbala Maasit, que dans tous les livres de Kabbala c'est écrit que c'est Assour, alors qu'on voit dans le Zohar que des Tanaïm et Amoraïm l'utilisaient ?"
Le AriZal lui a alors répondu que c'était totalement différent parce qu'ils se purifiaient avec la cendre de vache rousse, mais de nos jours il n'en reste plus, et c'est par conséquent totalement prohibé.
[Néanmoins le 'Hida (Midbar Kdeimot Ot 1 §26) écrit (sans preuve) que c'est évident pour lui que le AriZal se faisait purifier par des cendres grâce à Eliahou Hanavi - il est donc un peu étonnant pourquoi le Ari ne pouvait pas imaginer qu'un autre Kabbaliste trouverait des cendres de la cache rousse...]
À la suite, il raconte qu'il en a parlé à un autre élève du Ari, Rabbi Eliahou Dévidas רבי אליהו די וידאשׂ, qui lui-même a posé cette question à deux reprises et a reçu deux réponses différentes : premièrement qu'il ne faut pas avoir fait une miette d'Aveira ; et deuxièmement tous les noms divins des livres d'aujourd'hui sont erronés : soit volontairement comme on l'a dit plus haut, soit involontairement à cause des erreurs de copistes (même la Gmara largement étudiée en est remplie...).
Le Rav Yaacov Hillel résume ainsi les idées contre la Kabbala Maasit de nos jours :
1 - Forcément il utilisera le Koa'h Hatouma
2 - Ce n'est permis qu'à un Tsadik Gamour
3 - Même ce Tsadik a besoin des cendres de la vache rousse
4 - Les noms marqués sont erronés.
Le Rabbi Moshé 'Haguiz (Élé Hamitsvot §513) ramène le Radbaz qui écrit dans son Maguen David (livre de Kabbale où il explique la signification des lettres hébraïques) sous la lettre Vav ו, que celui qui utilise les Shémot perd son monde, que plus personne ne s'y connaît en ces choses-là de nos jours, et qu'on ne peut pas se baser sur les Sfarim (l'essentiel a été transmis à l'oral).
Le Rabbi Eliahou Gutmacher dans son Tsofnat Panea'h [livre sur les Agadot de Rabba bar bar 'Hana] écrit (Maamar 9) que les gens ne veulent pas étudier la Kabbala 'Hakirit (la science de la Kabbala) mais seulement la Kabbala Maasit. Pourquoi ? Premièrement c'est très simple, il n'y a qu'à lire la formule sur le grimoire, et deuxièmement, c'est la Kabbala Maasit qui amène le respect.
Malheureusement, la connaissance dans la Kabbala Maasit seul embrouille le cerveau, et on peut en arriver à devenir un Apikoros.
Le Steipler déjà disait (ramené par son petit-fils dans Toldot Yaacov) que de nos jours les Mékoubalim détruisent plus que ce qu'ils arrangent, et qu'il n'y en a plus de vrais comme avant.
On retrouve la même idée à la même époque par Rav Yossef Messas qui écrit (Shout Mayim 'Haïm I §67) que de ses jours il n'y a plus de Kabbalistes (la suite du livre est assez virulente sur ce sujet d'ailleurs).
LES AMULETTES
[ Le Rambam dans son Moré Nevoukhim Helek 1 Perek 61 parle très durement sur les amulettes, il dit que ce sont des idioties etc. On voit aussi ça dans son Piroush Hamishnayot (Avoda Zara §4, 7), il y dit que "des gens biens, des tsadikim croient en ces choses-là mais ils ne savent pas que ce ne sont que des bêtises."
Le Kouzari Maamar 4 Perek 24 aussi pense ça et de manière générale tout ceux de la liste de tout à l'heure. ]
■ Rabbi Yéhouda 'Hassid [Kabbaliste du 12ème siècle en Rhénanie] écrit (Sefer 'Hassidim §1114) qu'il n'est pas bon de faire confiance même aux amulettes - ces futilités - écrites par des Sages. Il faut avoir confiance en Hashem et le prier, et même si notre prière n'est pas acceptée, il ne faut pas se tourner vers ces méthodes.
[Lorsqu'on veut demander quelque chose à son père on lui demande directement, on n'appelle pas un sorcier pour qu'il intervienne à distance !]
Plus loin (§1172) il dit :
"Les démons ne frappent que ceux qui les cherchent [qui s'y frotte s'y pique]. Comment ? Par exemple si lui ou son père se sont occupés de magie, d'amulettes, de shéilat 'halom [poser des questions à un démon pendant le sommeil]. Même dans un cas de danger de mort il ne faut pas utiliser ces méthodes car ça raccourcit soit sa propre vie soit la vie de ses descendants, et pour vivre un mois de plus tu vas faire mourir ton fils des années plus tôt 'has véshalom ??"
■ Le Mahar'hou - Rabbi 'Haïm Vital ramène le AriZal (Shaar Roua'h Hakodesh Tikoun 3) écrit que toutes les amulettes qui se trouvent dans les livres sont erronées, c'est pourquoi il est interdit de les utiliser.
Et même si on constate qu'elle fonctionne, c'est que l'amulette a forcé la main à des anges mais ceux-ci vont forcément se retourner contre les propriétaires parce qu'elle n'était pas parfaite (ils vont le faire fauter, des brakhot lévatalot etc.)
En vient le point où Rav Kadouri n'est pas d'accord avec Rav Yaacov Hillel : dans son approbation il écrit qu'il y a des amulettes autorisées : si les noms sont en allusion dans des versets ou des initiales (comme le Ana Békoa'h).
Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas besoin des cendres de la vache rousse pour l'écrire, il suffit d'aller au mikvé et de jeûner. Il entendu que le Ben Ish 'Haï autorisait clairement ces pratiques.
Mais il précise tout de même que cela permet d'éviter que les juifs aillent chez les sorciers non juifs (marabouts ou autres).
Le Sia'h Sarfei Kodesh שיח שרפי קודש ('Helek V page 27a) [un livre sur le Rabbi de Kotsk] raconte qu'un jour il y a eu une épidémie de choléra et les gens ont demandé une amulette au Rabbi et à force il a fini par accepter. Ils ont été curieux, l'ont ouvert et ont vu écrit חלרע (choléra) ! En fait ils ont demandé à un proche du Rabbi qui leur a répondu que c'étaient les Rachei Tévot de חטאנו לפניך רחם עלינו.
LES MIRACLES DES ARNAQUEURS
Comment une personne non Tsadik peut faire des miracles, dévoiler le futur, dévoiler des choses sur la personne etc. ?
1) Le Nissayon / L'épreuve :
C'est ce qu'écrit Rashi dans Dvarim 13,2. Hashem leur donne la possibilité de faire des miracles pour nous éprouver et voir si on L'écoute quand il nous demande de ne pas croire aux miracles.
Rashbam dans Dvarim 13,4 aussi dit que ça été donné pour tester et donner du mérite aux juifs.
Le Steipler mentionne ('Hayei Olam II §7) la Gmara dans Sota 47a : l'histoire de Gué'hazi qui a mis en place un système avec des aimants pour faire en sorte que le veau, la Avoda Zara de Yerovoam ben Nevat plane dans les aires. Malgré tout Hashem nous demande de ne pas y croire même si l'on n'a pas (encore) d'explication logique.
2) Le feeling :
Certaines personnes ont une bonne intuition mais n'ont aucun rapport avec la magie.
C'est le Ramban qui nous parle de cette idée dans Dvarim 13,2, que certaines personnes ont une intuition prophétique, mais ils ne se rendent pas compte d'où ça vient.
Même le Rambam (!) écrit (Sefer Hamitsvot lo taassé §31) concernant le devin, que leurs paroles s'accomplissent majoritairement.
Aussi dans Hilkhot Yessodei Hatorah §10 au début (comment distinguer le faux prophète), il explique qu'on ne demande pas de lui qu'il fasse des miracles mais qu'il prévoit l'avenir.
Si ce qu'il a dit s'est avéré vrai et précis dans les moindres détails alors on lui redemande encore plusieurs fois. S'il n'a fait strictement aucune erreur alors on le croit.
Ainsi le simple devin finira par se tromper après plusieurs fois.
On voit aussi cette idée dans Sefer Aïkarim (Maamar 3 §10) et d'autres.
Le Ibn Ezra ramené dans le Radak sur Yeshaya 44,28 écrit que certaines âmes ont une certaine aptitude à entrevoir l'avenir mais ça n'a rien à voir avec la sagesse ou la sainteté, ce n'est qu'une simple intuition.
3) L'intelligence :
Des gens qui, avec leurs phrases ambiguës, feront croire qu'ils sont devins.
Le Midrash Tan'houma (Vayikra §6) parle de deux réshayim : A'hav ben Kouliya et Tsidkiya ben Maasiya, deux devins à l'époque de la destruction du deuxième temple.
Un jour, une femme enceinte a demandé le sexe de l'enfant. Les faux prophètes lui ont dit que c'était un garçon. Ensuite ils sont partis voir ses copines pour leur dire que c'est une fille.
Ainsi, si c'est un garçon, la femme dira qu'ils avaient raison, mais si jamais c'est une fille, alors ses voisines lui diront que les devins étaient au courant mais qu'il ne voulait pas lui faire de la peine.
De nos jours aussi : le pseudo rabbin assure au malade qu'il va guérir - contre un chèque évidemment- ensuite, s'il s'avère qu'il meurt on racontera qu'il le savait très bien mais qu'il ne voulait pas lui faire de la peine.
DISTINGUER LES FAUX TSADIK
On va voir 6 clés différentes :
● Le Meshekh 'Hokhma (début de Parshat Bo sur le passouk où l'on dit que Moshé était grand aux yeux des serviteurs de Pharaon et aux yeux du peuple) écrit que certaines personnes se font remarquées par leurs actions bizarres (ils attrapent des anges etc.), ce qui entraîne le bas peuple à penser que c'est un tsadik, puis ils vont enjoliver et exagérer l'histoire, et ça prend tellement d'ampleur, que même les gens intelligents vont commencer à y croire en se disant que ce n'est pas possible que tant de gens croient en un mensonge. Et il conclut que l'histoire nous prouve que ça se passe comme ça.
Par contre Moshé a déjà été reconnu par les sages et ensuite du bas peuple.
Ainsi il faut aller voir un rabbin qui s'est fait reconnaître d'abord en tant que Tsadik pas en tant que faiseur de miracles.
Le Maor Vashemesh (Réé début §13) se plaint que l'on prenne des gens pour des tsadikim à cause de leurs miracles.
Et même si ce pseudo Tsadik ne fait qu'inciter aux Mitsvot c'est interdit et ça finira mal.
Il explique qu'il faut qu'on le connaisse en tant que Tsadik déjà, puis ensuite s'il fait des miracles tant mieux.
● Le Shout Harashba (I §548) parle d'un faux prophète Nissim ben Avraham Méavila, un homme ni sage et qui n'a ni étudié ni fait la yeshiva etc.
Il rajoute que c'est préférable de supporter le joug des peuples, de l'exil plutôt que de croire bêtement à ces choses sans avoir mené d'enquête - et ce, même s'il nous montre quelque chose de miraculeux.
Donc il faut enquêter.
● Le 'Hida (Sim'hat Hareguel page 8b) écrit qu'à l'époque du Rabbi Yossef Kobo, on disait d'un homme discret, humble etc. qu'il avait un Maguid (une sorte d'ange qui lui dévoilait des secrets de Kabbale)
Ils ont demandait l'avis au Rav Kobo qui leur a demandé comment il mangeait et buvait. Il s'est avéré qu'il mangeait plus que la moyenne, et on sait que la kdousha ne réside pas chez ceux qui mangent beaucoup.
À la fin on a su qu'il utilisait des Shédim (démons) - et autres - pour parvenir à ses fins.
Ainsi, il faut examiner le lien de la personne avec la matérialité.
● Le Kav Hayashar du Rav Tsvi Hirsh Koydanover écrit à la fin du chapitre 52 qu'il ne faut pas se fier à ce qu'on voit, à ce qu'on pense. (L'habit ne fait pas le moine.)
Mais voici la clé : celui qui ne veut pas tirer profit de l'argent des autres, qui fait du commerce honnêtement, lui c'est un vrai Tsadik.
Pourquoi ? Car l'essentiel de la crainte du ciel et de la tsidkout est lié à l'argent.
● Le Brisker Rov écrit ('Hidoushei Hagriz al Hatora 'Hayé Sarah §24, 16) (quand Itz'hak rentre Rivka dans la maison de Sarah), que c'est seulement lorsqu'il a vu qu'elle se comportait comme sa mère qu'il a su qu'elle convenait.
Pourtant il y a eu une Kfitsat Hadérekh (Rashi sur le verset 42), Rivka s'est présenté juste à la fin de la prière, Bétouel qui voulait empêcher le mariage s'est fait tuer par l'ange (Rashi verset 28), n'est-ce pas suffisant comme signes que Rivka est celle qui convient ?
De là on voit qu'il ne faut pas se fier aux miracles mais examiner le comportement de près.
[Lorsqu'on a demandé au fils du 'Hafets 'Haim quelles étaient les prodiges de son père, il lui a répondu que Hashem décrète et le Tsadik écoute (en général on dit du Tsadik qu'il décrète et qu'Hashem agit).
La fille du 'Hafets 'Haim, la Rabbanit Feigel Zaks רבנית פייגה זקס a dit que 80% des miracles que l'on raconte au sujet de son père sont inventés. C'est ramené dans la préface de Making of a Gadol de Rav Kamenetsky page 20.]
● Le Rav Yaacov Hillel dans le Tamim Tiyé page 57 explique la Mishna de Pirkei Avot à la fin du cinquième chapitre où l'on dit qu'à 90 ans les prières sont exaucées (il y a différentes versions) ainsi : c'est seulement quand t'as étudié toute la Torah (début de cette Mishna [à 5 ans le houmach etc.]) qu'on peut arriver au niveau où nos prières sont exaucées.
Et c'est la dernière clé : cette personne doit absolument être un Talmid Hakham.
Dans la préface de Rabbi 'Haïm Vital du Ets 'Haïm celui-ci met en garde contre ceux voulant s'initier à la Kabbala sans avoir fini le Shass et Poskim. Sans cela, c'est un danger "extrême", il y a un grand risque de dérapage dans l'Apikorsout.
Rav Shakh disait souvent que si la Kabbala est appelée Torah voilée, alors c'est forcément plus dur que la Torah dévoilée.
Si quelqu'un n'y comprend rien à la Gmara, il n'a aucune chance dans la Kabbala !
Il tient sûrement cette idée du Maharshal ramené dans le 'Hayé Adam (Klal 18, §2).
OÙ CHERCHER LA BRAKHA ?
La Gmara Baba Batra 116a écrit que tout celui ayant un malade dans sa maison aille chez un Sage lui demander de la miséricorde (voir Shoulkhan Arou'h Yoré Déa Siman 335 Seif 10).
Le Nimoukei Yossef sur place dans la Gmara écrit que la coutume en France est d'aller chez un Rav Roch Yéshiva [sûrement grâce au mérite d'enseigner aux autres]. En tout cas on ne parle pas de rabbins miraculeux...
Le Rav Haï Gaon écrit dans une Tshouva ramené par le 'Hida dans Peta'h Enayim à la fin de Nida page 73 que l'essentiel de la Torah et du service divin est d'étudier le Shass.
Tous les vrais Kabbalistes ont étudié le Shass.
Entre autres : le Hida a écrit plein de sfarim, le Ben Ish Haï aussi, Baba Salé était Dayan au Maroc, il ne faisait pas que de la magie ! La Arizal a contribué à l'écriture de la Shita Mékoubetset de son maître Rav Betsalel Ashkénazi. Rav Itshaq Walid a écrit le Vayomer Its'hak, Rabbi Haï Taïeb aussi a écrit des 'Hidoushim.
Même des Rabbis 'Hassidiques, par exemple Rabbi Na'hman a fini à dix ans le Sefer Hamidot ! Le Rav "Doutshébin" a écrit des annotations dessus : chaque détail trouve sa source dans le Bavli, Yéroushalmi, Sifrei, le Zohar etc.
On dit que le Rav Kadouri maîtrisait le Shass à 17 ans.
La Gmara Chabat 53b raconte l'histoire d'un veuf qui a eu un miracle, et a pu allaiter son enfant. Abayé s'exclame sur place : "Comment est dépréciable cet homme-là pour qui Hashem a dû changer les lois de la nature !"
Rabbi 'Haim de Volozhin ramené dans Aliot Eliaou (Maalat Hassoulam Héara 19) demande : quelle différence avec les miracles des 'Hazal ?
Il répond que si c'est un Tsadik alors c'est normal qu'Hashem l'exauce, mais cet homme n'était pas au niveau.
Ainsi, le Tsadik Talmid Hakham on peut croire qu'il fait des miracles, mais l'inverse non, un faiseur de miracles n'est pas forcément un Tsadik, voire pas du tout.
Le Rav Ben Tsion Aba Shaoul écrit au début du livre Tamim Tiyé page 6 que beaucoup de gens simples ne connaissant pas la Torah se déguisent en Rabbins et distribuent des bénédictions, des amulettes. Il en a déjà rencontré et certains sont vraiment très loin de la religion.
C'est pourquoi il ne faut pas se fier à leurs bénédictions, seulement si on le connaît en tant que Talmid Hakham et qu'il ne prenne pas d'argent.
Le Rav Yaacov Weiss, dayan de Jérusalem écrit aussi dans son approbation sur le Tamim Tiyé page 7 qu'étant donné qu'il y a des problèmes d'halakha avec de telles personnes (kosem késamim etc.), il faut absolument l'autorisation d'un Rav avant d'aller les voir.
Le Badats Yéroushalayim ont aussi signé en 1987 qu'il est interdit d'après la halakha d'aller voir un tel rabbin sans approbation d'un vrai Rav.