Retranscription libre de la Conférence de Rav Wattenberg
LE COURS EN AUDIO
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Qu’est-ce que le Ayin Hara ? Est-ce que la Torah y croit ?
Si oui, par quoi est-il déclenché, et quels sont les moyens de s’en protéger ?
SOURCES À LA NOTION DE AYIN HARA
Quand on regarde dans le 'Houmash et dans le Tanakh, on ne trouve pas de traces certaines du Ayin Hara (mauvais œil).
On mentionne bien dans les écrits Tanaïques l'expression Ayin Hara, mais est-ce que ça veut dire le mauvais œil tel qu'on le connaît ou bien c'est simplement ce que l'on appelle aussi Ayin Raa, l'œil mauvais - jalousie des biens d'autrui, radinerie etc. ?
La Mishna dans Avot (§2, 11) semble parler du véritable Ayin Hara, elle dit que celui-ci "fait sortir les gens du monde".
Mais le Rambam, le Méiri et Rabeinou Bé'hayé expliquent qu'on ne parle pas ici de mauvais œil mystique, mais de l'avarice.
On a encore dans Avot (§2, 9) que le bon et droit chemin est le bon œil, et que le mauvais chemin est le mauvais œil.
Il semble assez clair qu'on nous parle de l'avarice. Le Rambam en conclut qu'il n'y a pas de différence entre Ayin Hara et Ayin Raa (l'avarice) et qu'il n'y a donc pas de mauvais œil mystique.
Néanmoins, le Barténora sur cette Mishna cite les deux possibilités : le Ayin Hara mystique, ou le Ayin Raa d'avarice.
D'autres commentateurs encore préfèrent expliquer qu'il s'agit du véritable Ayin Hara mystique : le Rabeinou Yona, le Rashbats, le Abrabanel. Ils établissent clairement la distinction entre le Ayin Hara et le Ayin Raa - la radinerie dont parlait la Mishna plus haut.
Dans Avot Dérabbi Nathan (§16, 1) (qui sont des braïtot sur Avot) il semblerait que la Mishna de Avot a été comprise comme le Rambam, qu'on ne parle pas du Ayin Hara mystique mais seulement du radin.
Dans les Midrashim on retrouve clairement les deux notions.
Dans le Tan'houma Metsora §4, on parle du Ayin Hara et il s'agit clairement là-bas de radinerie et d'avarice (quelqu'un a l'œil mauvais et refuse de prêter ses objets etc.).
Mais par ailleurs dans le Tan'houma Nasso §17, on nous parle d'une espèce de talisman / amulette contre le Ayin Hara, il s'agit donc du Ayin Hara mystique.
Encore dans Mikets §8, le Tan'houma explique que Yaacov voyant ses fils beaux et forts ne voulait pas qu'ils rentrent tous par la même porte par crainte du mauvais œil.
Ainsi, dans les Midrashim on retrouve le Ayin Hara mystique tandis que chez les Tanaïm il n'y en a pas vraiment de traces certaines.
En fait le Ayin Hara se retrouve beaucoup plus fréquemment dans les générations postérieurs aux Tanaïm, chez les Amoraïm d'Irak et de Bavel (mais pas ceux de Jérusalem).
Dans le Shass Bavli on trouve fréquemment des allusions au Ayin Hara.
On va ramener quelques exemples.
La Gmara dans Baba Metsia 107a dit qu'il est interdit à un homme de se tenir dans le champ de son prochain lorsque le champ a produit sa récolte.
On pourrait comprendre que c'est interdit pour ne pas en arriver à piétiner et abîmer la récolte du prochain.
Mais ce n'est pas ce qui ressort de la Gmara qui parle de Ayin Hara.
Rashi explique que la raison de l'interdit est de ne pas porter le mauvais œil qui endommagera la récolte d'autrui.
Mais le Rambam n'est pas d'accord, dans le responsa Peer Hador §40 il écrit qu'il n'y a pas de dommages ici. Il s'agit simplement d'une bonne attitude de ne pas regarder les possessions des autres,pour éviter les problèmes de jalousie.
Le Rambam comme à son habitude refusait de voir tout passage mystique dans le Talmud comme tel - il expliquait chaque chose très rationnellement. Le Maharats 'Hayot, Rav Tsvi Hirsh 'Hayot, dans sa préface au Ein Yaacov dénonce le Rambam sur ce point, car le Talmud semble bien croire aux démons, au mauvais œil et à tout ce genre de choses.
Une seconde Gmara se trouve dans Baba Metsia 30a. On nous dit que celui qui trouve une tenture ou une couverture ne devra pas la laisser dans un coffre où elle pourrait attraper des mites etc. mais il faudra l'aérer de temps en temps jusqu'à que l'on retrouve son propriétaire.
Par contre si l'on a des invités on ne devra pas étendre la jolie teinture sur son mur.
Pourquoi ? Une des raisons est le mauvais œil.
Rashi explique qu'on parle du mauvais œil mystique qui risque d’abimer l'habit.
On aurait pu expliquer différemment, que les invités pourraient mettre l'œil sur la teinture pour ensuite prétendre qu'elle leur appartient etc. mais Rashi n'explique pas comme ça.
Une autre Gmara dans Baba Batra 141a nous dit qu’avoir une fille en premier est un bon signe pour la fratrie qui va suivre. Pourquoi ? Certains disent parce que la grande sœur va aider sa mère à éduquer ses petits frères et sœurs.
Et certains disent que c'est une bonne chose, parce que s'il a une fille en premier il aura évité le mauvais œil sur lui (ce n'est pas le Talmud qui est misogyne ici, ce sont les gens de l'époque de la Gmara qui considéraient qu'avoir un garçon était préférable à une fille).
Le Ayin Hara, une croyance juive ou non-juive ?
On a encore dans Baba Metsia 107b a une histoire intéressante.
Rav est allé dans un cimetière, y a fait certaines choses et a affirmé que 99% des morts enterrés à cet endroit sont morts par le mauvais œil, un sur 100 seulement est mort naturellement !
(Rav croyait réellement au Ayin Hara mystique, il ne parle donc pas ici de personnes qui seraient mortes à cause de leur avarice.)
Attention cependant : Rav ne vient pas dire qu'il a reçu une transmission de ses maitres depuis le Sinai que 99% des gens meurent du Ayin Hara.
En fait il s'agissait d'une croyance de l'époque non-juive (perse) attestée dans plusieurs livres, selon laquelle un homme sur 100 000 mourrait de mort naturelle et tous les autres décèderaient du Ayin Hara.
Benjamin Lee Gordon dans son Oculus Facinus (mauvais œil en latin) page 312 ramène cette croyance perse ainsi que Rivka Ulmer dans The Evil Eye in the Bible and Rabbinic Literature (page 24 note 9).
Rav était juif et pensait la même chose.
Alors oser dire que cet enseignement de Rav n'est pas une transmission de Sinaï, mais est seulement lié au fait qu'il habitait en Bavel est très osé (et ça ne passerait pas dans certains milieux et avec certaines personnes).
Néanmoins, ce n'est pas Rav Wattenberg qui le dit, mais la Gmara elle-même !
C'est une Gmara dans le Shass Yeroushalmi (Shabbat §14, 3 page 75b).
Et on retrouve la même chose dans le Midrash Vayikra Rabba Parshat §16, 8.
Là-bas on l'oppose à Rabbi 'Hanina qui habitait en Israel à Tsipori qui considérait que 99% des gens meurent à cause du froid, il faisait froid à Tsipori.
Ce n'est donc pas une idée liée à la religion juive.
Cette croyance que la majeure partie des gens meurent du Ayin Hara se retrouve aussi dans d'autres religions.
Chez les musulmans il y a une croyance similaire, dans Encyclopedia of Islam (I page 786 sous l'entrée Ayin) c'est ramené que la majeure partie des gens meurent par Ayin Hara.
Abou Yaala a écrit un Musnad dans lequel il dit au nom de Mahomet que la majorité des gens meurent de Ayin Hara.
Et ça fait des siècles que plusieurs peuples pensent cela.
Il y a des allusions dans le Coran au Ayin Hara, pas de manière très explicite.
Dans la Sourate 68 verset 51, et dans le Sourate 12. Cette dernière relate l'histoire de Yossef, et au verset 67 il ramène le Midrash Tan'houma qu'on a cité plus haut - que Yaacov demande à ses fils de ne pas rentrer en Egypte par la même porte pour ne pas recevoir du mauvais œil.
Cette croyace n'a pas seulement existé dans les pays arabes, on la retrouve aussi chez les romains, depuis l'époque de la destruction du second temple.
Tuer du regard (le Shass Yeroushalmi)
Pline l'Ancien était un historien romain mort en 79 lors de l'éruption du Vésuve.
Il écrit dans son Histoire naturelle (un livre gigantesque composée de 37 tomes) livre VII §2, 8 qu'il y a certaines personnes en Afrique qui peuvent tuer des gens avec leurs regards.
Certains veulent faire correspondre avec ce que dit le Talmud quelques fois à propos de Rabbins, qu'ils jetaient le regard sur quelqu'un et le transformait en tas d'os (il le tuait). Mais c'est discuté si dans ces passages, la personne est véritablement morte ou si c'est juste une façon de parler.
On voit ça notamment chez Rav Sheshet (Brakhot 58a), Rabbi Yo'hanan deux fois (Baba Batra 75a et Sanhedrin 100a), Rabbi Shimon bar Yo'hai (Shabbat 34a et dans le Yeroushalmi Shviit §9, fin de 1 à deux reprises - mais le Yeroushalmi ne souligne pas qu'il a posé les yeux sur lui.
Il semble que le Yeroushalmi ne croyait pas trop au mauvais œil.)
Il y a encore une autre Gmara, dans Sanhedrin 93a. On nous parle de 'Hanania Mishael et Azaria, ceux qui ont été sauvés de la fournaise après avoir refusé de se prosterner devant la grande statue de Nabuchodonozor. Les versets ne les mentionnent pas après leur sauvetage.
Alors la Gmara demande où ils sont partis. Et Rav répond qu'ils sont morts par le mauvais œil ! Ils ont eu le Ayin Hara à cause de leur sauvetage miraculeux. Ils ont réussi à s'échapper de la fournaise, mais pas du Ayin Hara !
Mais Rabbi Yo'hanan (israélien) n'est pas d'accord, et explique qu'ils sont simplement partis en Israël.
On retrouve aussi dans le Shass que le Rabbi Yo'hanan ne s'inquiétait pas vraiment du mauvais œil.
Dans Baba Metsia 84a et Brakhot 20a, Rabbi Yo'hanan dit qu'il est un descendant de Yossef Hatsadik et qu'il n'a donc pas à craindre le Ayin Hara.
LA SIGNATURE DE RAV
Rabbi Méir Mazouz, dans ses annotations sur le Ben Ish 'Hai (Shana Shnia Pin'has §19), écrit au nom de Rabbi Moshé 'Horev que puisque Rav s'inquiétait beaucoup sur la Ayin Hara, c'est pour ça qu'on voit dans Guittin 36a et 87b, ainsi que Baba Batra 161b que la signature de Rav était un poisson !
Rabbi Moshé 'Horev était un maguid shiour dans la yeshiva de Rav Mazouz, Kissé Ra'hamim.
Il était baki mouflag bashass (grande connaissance du Talmud).
Il a écrit un livre le Keter Torah sur les Klalei Tosfot.
Il est mort prématurément récemment le 29 Avril. Il a laissé cinq enfants, et avait 55 ans.
Rav Mazouz et Rav 'Horev ont été devancé par le Yaabets il y a plus de 200 ans dans ses annotations sur Guittin 36a, que sa signature était pour se protéger du mauvais œil.
Il y a d'autres explications sur cette étrange signature.
Notamment Rav Ye'hiel Mikhel Stern, l'arrière-petit-fils de Rav Yaakov Yossef Herman, le héros du Patron Avant Tout.
Dans Otsar Hayediot (II page 113) il propose de dire qu'on voit dans Shabbat 108a que Rav avait des problèmes digestifs.
De manière générale beaucoup de Tsadikim ont eu des problèmes avec le ventre comme le dit la Gmara Shabbat 118b et Ktouvot 103b que la majeure partie des Tsadikim meurent à cause de problèmes intestinaux.
Mais un jour, le compagnon de Rav, l'Amora Shmouel (qui était aussi médecin) l'a guéri en lui conseillant de faire manger des petits poissons.
C'est peut-être pour ça aussi que Rav dit dans Brakhot 48, que celui qui a l'habitude de manger des petits poissons n'a pas de problèmes intestinaux.
Apparemment ça lui a tenu à cœur et Rav Stern propose de dire que c'est également la raison de son étrange signature en forme de poisson.
Pourquoi le poisson protège du Ayin Hara ?
Le Rav Schorr écrit dans son Torat 'Haïm (Baba Batra 118b et Baba Metsia 84a) que ce n'est pas lié au fait qu'on ne voit pas le poisson comme le pensent certains.
Des fois l'eau est claire et limpide et on voit les poissons à travers.
D'ailleurs dans ce cas-là on aurait dû préférer la taupe qu'on voit encore beaucoup moins.
Il explique qu'il n'y a pas de Ayin Hara sur le poisson parce que l'eau constitue un hefsek, une séparation. Pareil derrière une vitre le Ayin Hara ne passe pas.
Il ne faudrait pas s'inquiéter du Ayin Hara des gens portant des lunettes.
Mais ce n’est pas unanime.
Le Rav Horowitz dans son Sefer Habrit (I maamar 17 et à la fin du perek 3 page 257) écrit exactement l'inverse ! Lorsqu'il y a une vitre, ça accentue les dégâts du Ayin Hara de la même manière que le soleil qui passe à travers la loupe chauffe beaucoup plus.
Il faudrait donc en particulier se méfier de ceux qui portent des lunettes pour la presbytie :-).
FAUT-IL SE SOUCIER DU AYIN HARA ?
À l'époque des 'Hazal on ne trouve pas vraiment de mise en garde contre le Ayin Hara.
C'est seulement dans le Zohar que l'on trouve des mises en garde répétées.
Dans 'Helek 3 page 211b, c'est écrit que celui qui veut faire passer son fils dans la rue mais qui a peur du Ayin Hara, qu'il le recouvre avec un drap etc.
Dans 'Helek 3 page 63b, c'est écrit : qu'un homme s'écarte même de cent chemins (c'est-à-dire qu'il fasse de nombreux détours) pourvu de ne pas tomber sur un homme qui porte le mauvais œil.
On a encore dans 'Helek 1 page 68b : toute personne qui porte le mauvais œil (aux autres), il faut se garder d'eux.
Chez les A'haronim ces mises en garde sont aussi fréquentes, en particulier chez les kabbalistes.
Le Pélé Yoets (entrée Ayin Hara) dit que l'homme doit faire très attention d'éviter le Ayin Hara autant que faire se peut. Par contre il devra faire attention de ne pas vexer l'autre (en le suspectant de vouloir nous porter l'œil).
Il ajoute qu'il convient de suivre TOUTES les Ségoulot qu'on entendra sur le Ayin Hara, le danger est trop grand et le verset (Dvarim IV, 15) recommande de faire attention à notre santé - vénishmartem meod al nafshotekhem.
D'autres auteurs aussi : le Yessod Veshoresh Haavoda (Shaar Hakollel §19), le Shout Asse Lekha Rav du Rav 'Haim David Halevi (VII §54 deuxième partie page 341), le Shout Kol Mevasser de Rav Meshoulam Roth (II §7) ramène que tous les matins on demande à D.ieu de nous protéger aujourd'hui et tous les jours du Ayin Hara (et du Lashon Hara etc.), c'est donc une preuve qui faut en faire attention.
Attention, ce n'est pas une preuve que les Anshei Knesset Hagdolah craignaient le Ayin Hara comme ultérieurement les Sages de Bavel.
Car dans le Nossa'h Ashkénaze on ne mentionne pas le Ayin Hara, donc apparemment il s'agit d'un ajout tardif.
De nos jours faut-il faire plus attention qu'à l'époque ou non ? Le Ayin Hara est plus ou moins dangereux ?
Le 'Hida écrit dans Brit Olam, son commentaire sur Sefer Hassidim Siman §477, que bien que dans le Shass on voit que les gens ne se souciaient pas trop du problème que mentionnait Rabbi Yéhouda 'Hassid de ne pas marier deux frères avec deux sœurs à cause du Ayin Hara etc., aujourd'hui c'est plus grave, le Sitra A'hra (l'impureté etc.) a plus de force donc le Ayin Hara et toutes ces choses-là sont plus dangereuses.
Le Rabbi de Munkacz écrit la même chose dans Divrei Torah (VI, fin du §7).
Mais Rav Ovadia Yossef n'est pas d'accord avec le 'Hida. Dans son Yabia Omer (IV Even Haezer §10) il dit qu'au contraire il y a moins de raisons de s'inquiéter du Ayin Hara puisque de nos jours toutes les forces liés au Roua'h Raa se sont affaiblies : on ne craint plus les Zougot comme avant etc.
Le Yabia Omer revient encore sur cette idée (II Even Haezer §7 ot 11), où il dit que la magie, la sorcellerie et le Ayin Hara sont beaucoup moins forts aujourd'hui.
Cependant, même si on considère qu'il y a moins de forces aujourd'hui, le Mishné Halakhot du Rav Klein (Mahadoura Tinyana IV §271) écrit qu'il y a beaucoup de problèmes dans le monde qui surviennent en raison de la diffusion de tout à travers les photographies (et il ne connaissait pas encore les Selfies.) Quand on envoie des photos, ça emmène du Ayin Hara, et c'est pour ça qu'il y a beaucoup de Tsarot dans le monde.
L'avis de Rav Moshé Feinstein
Rav Moshé Feinstein écrit dans son Igrot Moshé (Even Haezer III §26) qu'il ne faut pas trop s'inquiéter du Ayin Hara.
Pourquoi ?
Car dans ces choses-là, la règle est : man delo kapid lo kapdinan bahadei, celui qui ne s'en soucie pas ça ne l'atteint pas, celui qui ne se préoccupe pas toute la journée du Ayin Hara n'aura pas de problème.
On retrouve cette idée dans la Gmara Psa'him 110b concernant les Zougot. Il y avait une croyance à l'époque qu'il fallait éviter tout ce qui était pair, il fallait manger treize sardines plutôt que douze etc.
La Gmara dit qu'en Israël les gens ne se soucient pas des Zougot mais qu'il n'y a aucun problème à ça parce que man delo kapid lo kapdou bahadei, si on ne s'en soucie pas alors les petits démons ne s'attaquent pas à nous lorsque l'on mange en nombre pair.
C'est une sorte de placébo apparemment, ce n'est pas quelque chose d'extérieur à la personne.
Et le Rav Feinstein dit que c'est pareil pour le Ayin Hara. Il ne faut donc s'en soucier qu'à petite dose.
On retrouve la même idée concernant ce qui est mentionné dans la Gmara Brakhot 64 et Moed Katan 29a, lorsque l'on quitte un ami il ne faut pas lui dire va en paix (lekh beshalom) car c'est une formule que l'on dit au mort, mais va "vers" la paix (lekh leshalom).
Le Nimoukei Yossef dit là-bas (Moed Katan 18b dapei harif) que celui qui ne se prend pas la tête avec ça, la chose ne l'endommagera pas du tout.
Dans Néédarim 32a aussi, la Gmara dit “kol haména'hesh lo na'hash”, celui qui s'occupe de sortilèges ça retombe sur lui. Le Ran, et le Méfaresh (le pseudo Rashi) expliquent ainsi que celui qui court après les maléfices/superstitions etc. ça retombe sur lui. Pourquoi ?
Encore une fois parce que kol man dekapid kapdinan bahadei.
On retrouve la même idée dans le Yeroushalmi Shabbat §10, 9 page 39b qui dit que kol haména'hesh sofo lavo alav.
Le Sefer ‘Hassidim §459 écrit kol hani'houshim kenegued hamakpidim, tous les sortilèges retombent sur ceux qui s'en préoccupent.
Un peu plus loin §1192, il dit que les Mazikin (démons) ne font de mal qu'à ceux qui s'y frottent. Si on les ignore pas de problème.
Seulement tout ça n'a pas été dit explicitement sur le Ayin Hara, c'est le Rav Feinstein qui nous dit que ça s'applique aussi au Ayin Hara, qu'en ne s'en souciant pas il n'y a pas de problème.
Mais on peut trouver une source à cela dans la Halakha ramenée dans le Shoul'han Aroukh Ora'h 'Haïm §141, 6.
C'est écrit qu'on ne fait pas monter à la Torah deux frères (ou le père et son fils) l'un après l'autre à cause du Ayin Hara.
Qu'est-ce qui se passe si les deux frères disent qu'ils n'ont pas peur du Ayin Hara ? Peut-on les faire monter ?
Le Mishna Broura (sk. 19) dit qu'on ne peut pas les faire monter, ça ne change rien qu'ils ne s'en soucient pas.
Et en fait c'est l'avis d'énormément d'A'haronim.
C'est ce qu'écrivent le Yad Aharon du Rav Aharon Alfandari (Ora'h 'Haïm §141 page 37a), le Yefé Lalev (IV §2 ot 11), le Elia Raba (sk. 8), le Maguen Guiborim (Alef Lamaguen sk. 12).
Le 'Hida ramène cela dans trois de ses livres : dans le Yossef Omets (§16, 4), dans le Birkei Yossef (Ora'h 'Haïm §141, ot 6) et dans Ledavid Emet (§5 ot 31).
Et encore beaucoup d'autres : le Shaarei Ephraïm (Shaar 1 §30), le Kitsour Shoul'han Aroukh (§23, 13), le Kaf Ha'haïm (§141 ot 29) etc.
Tous ces Rabbanim semblent donc être en désaccord avec le Rav Feinstein qui dit que le Ayin Hara n'endommage que ceux qui le craignent.
Mais c'est vrai qu'on trouve d'autres A'haronim qui ne sont pas d'accord sur cette Halakha et pensent comme Rav Moshé Feinstein.
Le Noeg katson Yossef (page 137a) raconte qu'il a vu une fois dans une synagogue quatre frères monter à la Torah l'un à la suite de l'autre (!) et le Rav n'a rien dit parce qu'ils ne se souciaient pas du Ayin Hara.
La même chose dans le Lashon 'Hakhamim du Rav Brandeis (édité en 1815, I page 7d).
C'est aussi ce qu'écrit le Aroukh Hashoul'han (§111, 8).
Rav Wattenberg a pensé apporter une petite preuve pour l'avis de Rav Feinstein et de ses acolytes :
La Gmara Brakhot 55b écrit que celui qui arrive dans une ville et a peur du Ayin Hara devra agir d'une certaine manière. Il semblerait donc que si l'on n'a pas peur du Ayin Hara on ne doit pas s'en soucier (cette preuve est très facilement repoussable).
Cette divergence d'opinion autour de celui qui ne se soucie pas du Ayin Hara va dépendre de la façon dont fonctionne le Ayin Hara.
Il y a trois grands avis.
C'est quelque chose de naturel;
quelque chose de mystique;
ou bien c'est une Svara, une logique (on va y revenir).
À priori, si le Ayin Hara est naturel on ne comprend pas pourquoi celui qui ne s'en soucie pas en serait épargné.
FONCTIONNEMENT DU AYIN HARA
Certains ont dit que le mauvais œil était un phénomène naturel donc qui n'a rien à voir avec la religion.
Le Ralbag dans Shémot (30, 11) et Bamidbar (22, 41) nous parle de vapeurs empoisonnées qui sortent de l'œil.
Le Rashbats dans Maguen Avot (II, §11) écrit qu'un jet sort des yeux pour brûler son prochain ou ses possessions.
Le Akeidat Its'hak (Parshat Tazria shaar 61 page 43a en bas) écrit qu'en fonction de la méchanceté d'une personne, les "éclairs" de ces yeux endommageront comme des épées ou des flèches.
Rabeinou Ménashé ben Israël écrit la même chose dans son Nishmat 'Haïm (Maamar 4, §27).
Le Maharal de Prague dans Netivot Olam (netiv ayin tov §1) aussi parle d'un pouvoir de feu (ishi) dans l'œil. Il en parle encore dans ses 'Hidoushei Agadot (Avoda Zara 20b).
Le Sefer Habrit du Rav Horowitz (I maamar 17 fin du chap. 3 page 257) écrit que de la même manière qu'il y a des vapeurs empoisonnées qui sortent des pores de la peau, il y a aussi des vapeurs qui sortent des yeux.
Le Malbim écrit aussi la même chose dans plusieurs endroits : dans Shmouel II (24, 1), Shémot (30, 12), Mishlé (27, 14). Et dans Mishlé 23, 7 il écrit que le Ayin Hara a été vérifié et prouvé par les scientifiques. Cette expérience a été rapportée (dans les journaux ainsi que) dans plusieurs livres : le Tossefet Brakha (Bamidbar page 182) du Rav Epstein, le Taalou'hot Aagadot (VI page 23) de Rav Ze'haria Stern, le Otsar Israel (VIII page 59) de Rav Eisenstein, le Pikoua'h Nefesh (page 98a) du Rav Faïvelssohn etc.
En fait en Russie ils faisaient subir des expériences aux condamnés à mort. En 1881 ils ont affamé un prisonnier pendant trois jours. Puis ils ont placé devant lui un morceau de pain qu'il pouvait voir mais pas le toucher. Ils ont ensuite analysé le pain et ont découvert un poison dans le pain !
Le Abrabanel aussi considère que c'est un phénomène naturel, dans parashat Ki Tissa page 293 et Shmouel II page 413b ainsi que dans son Na'halat Avot (II mishna 11 page 93 de la nouvelle édition). Il ramène que c'est aussi l'avis de Abû 'Hamid (Mo'hammed ibn Mo'hammed al-Ghazālī), un philosophe perse (1058-1111) qui aurait écrit la même chose.
Le Tsioni aussi, un Rishon du 14ème siècle, dans parshat Balak et Ki Tétsé ramène au nom des scientifiques que de l'œil sort un regard empoisonné etc.
Rabeinou Yona dans son commentaire sur Avot (II, 11) dit aussi au nom de scientifiques que la pensée de l'homme dirigée par son regard fait sortir quelque chose de "brûlant" qui peut endommager.
Néanmoins on trouve dans le Pa'had Its'hak de Rav Its'hak Lampronti (dont le Yohrtseit est le 12 Kislev 1756 -le jour du Shiour. C'est aussi le Yohrtseit du Maharshal en 1573.) sous l'entrée tseida que beaucoup de scientifiques ont réfuté la notion de Ayin Hara. Mais il ramène ensuite le Ramban qui nous prouve de plusieurs Gmarot que le Ayin Hara existe et on lui fait confiance.
Dans le Shaar Hashamayim c'est ramené au nom du Arizal que bien que le mauvais œil est invisible, c'est quelque chose de réel.
C'est aussi ce qu'écrit le grand rabbin d'Algérie, Rav Michel Aharon Weill dans Morale du Judaïsme (Tome II page 8 et 9). Il écrit que cette notion a l'air directement importée d'autres peuples, ça n'a pas l'air d'être une croyance juive à l'origine. Néanmoins il dit que ça ne suffit pas pour rejeter l'idée du Ayin Hara ramenée de nombreuses fois chez 'Hazal. Il ajoute que c'est sûrement comme le magnétisme, on ne sait pas encore l'expliquer.
Le Torat 'Haïm (Metsia 84 et Batra 118b) écrit aussi que c'est une étincelle et des flux négatifs qui sortent de l'œil.
Le Shout Mishpetei Ouziel (III inyanim klaliim §2) écrit encore qu'on ne peut contredire la réalité physique et naturelle du poison du mauvais œil.
Le Shout Sia'h Its'hak (§464) du Rav Weiss cite le Nishmat 'Haim cité plus haut.
Le Yaabets aussi a l'air de cet avis, dans son Siddour Beit Yaakov page 437a.
Rabbi Tsadok Hacohen de Lublin dans Dover Tsedek (page 80a) aussi.
Tous ceux qui écrivent que c'est quelque chose de naturel
C'est ce que semble penser Rav Feinstein et les autres A'haronim cités plus haut qui considèrent que man délo kapid lo kapdinan bahadei, que si on ne s'en préoccupe pas on n'est pas endommagé par le mauvais œil.
Le 'Hazon Ish dans 'Hoshen Mishpat (likoutim §21 page 255a) semble dire que c'est une notion mystique, il dit que l'homme peut entraîner un dommage avec sa pensée sans qu'on se rende compte.
Le Maguid de Mezritsh écrit aussi dans son Maguid Dvarav Léyaacov (Or Torah psoukim méloukatim page 96c §377), que regarder avec envie un objet en fait une entité à part et le détache ainsi de sa source de vie du ciel.
Certains Rabbanim expliquent le Ayin Hara avec une logique plus terre à terre.
Rav Dessler écrit dans son Mikhtav Meéliahou (III page 314) [il y a peut-être d'autres textes de Rav Dessler où il écrit d'autres choses] que lorsque l'on rend jaloux quelqu'un, il y a une punition du Ciel pour cette souffrance occasionnée.
C'est une idée bizarre et il ne précise pas non plus de sources à cette idée.
Et ce n'est pas si logique, une personne qui entraînerait une souffrance de jalousie à l'autre sans le souhaiter recevrait une punition directement min Hashamayim ? C'est assez sévère ...
Aussi, on n'a pas entendu ce genre de punition sur celui qui embête son prochain avec intention.
Et pourquoi faire souffrir son prochain (sans faire exprès) n'entraînerait pas une punition similaire au Ayin Hara ?
En tout cas si on dit comme le Rav Dessler, on comprendra mieux ce que dit le Maharsha (Metsia 85a) que le Ayin Hara a plus d'emprise sur les personnes importantes, apparemment parce que la souffrance occasionnée est plus grande.
Un autre point qui est compliqué avec cette idée, c'est ce que dit la Gmara Brakhot 55 qu'un homme peut entraîner du Ayin Hara sur lui-même. Il n'y a pas de souffrance ici...
Pire encore, le Tosfot Rid (Baba Kama 83a) ramené dans le Otsar Yad A'haïm (§943) écrit que le Ayin Hara porté par soi-même est encore plus virulent que celui porté par les autres !
Le Maalot Hamidot (fin de maalat hanedivout) et Akeidat Its'hak (shaar 61) de Rav Its'hak Arama écrivent la même chose.
Le Ramban (Haémouna véhabita'hone §24) par contre pense que ce Ayin Hara est moint puissant.
Dans les Drashot Haran, Droush 8, le Ran explique de la même manière que les pensées d'une personne peuvent avoir une influence sur lui-même ou sur son corps (une sorte d'effet placebo), ainsi il se pourrait que certaines personnes (souligner) pourrait éventuellement avec leur regard avoir une certaine influence sur autrui.
Le Rav Kook aussi écrit dans son Ein Aya (Brakhot §3, 37), qu'une personne qui se rattache à un Tsadik ou un Rasha est influencée par lui et vraisemblablement c'est une sorte de force qui émane des hommes.
Il y a une autre explication au Ayin Hara.
Rav Wattenberg ne sait plus si c'est son explication, ou si c'est celle qu'il a entendu étant jeune.
Regarder quelque chose ou quelqu'un avec envie créerait un Kitroug, une sorte d'accusation dans le Ciel, où on va revérifier si la personne mérite réellement ce qu'elle a.
Rav Wattenberg a ensuite trouvé cette explication dans un livre, dans le Eil Milouim (début de Parshat Ki Tissa page 40 dans l'édition de 1845) de Rav Leib 'Harif qui est cité dans le Pardes Yossef (parshat Ki Tissa §30, 2 page 309a).
Si on explique comme ça, on comprend comment il est possible de se mettre du Ayin Hara sur soi-même. Il n'y a pas besoin de créer de souffrance pour qu'un mauvais œil agisse.
Aussi d'après cela, si une personne est un Tsadik et mérite réellement ce qu'elle a, alors le Ayin Hara n'agira pas contre lui.
On peut alors comprendre le Zohar (II page 134b) qui écrit que lors de la venue de Messie, le Ayin Hara disparaîtra. Pas la jalousie, mais l'effet du Ayin Hara. Si le mauvais œil est quelque chose de mystique on ne comprend pas pourquoi cela finirait par changer. Idem si le mauvais œil est quelque chose de naturel, le Rambam (hilkhot Mélakhim §12, 1) tranche clairement que lors de la venue du Messie les lois de la nature ne changeront pas.
Aussi pour Rav Dessler, on ne comprend pas pourquoi la souffrance de la jalousie finira par disparaitre.
Alors que d'après la dernière logique, c'est vrai qu'il y aura toujours les accusations dans le ciel, mais le Ayin Hara n'agira plus. Pourquoi ? Car lors de la venue du Messie, les gens seront majoritairement méritants (il n'y a aura presque plus de Ayin Hara).
On peut aussi maintenant répondre à la question du Rav Ovadia Yossef contre le 'Hida.
Le 'Hida avait dit que de nos jours le mauvais œil était beaucoup plus puissant de nos jours, tandis que Rav Ovadia Yossef n'était pas d'accord car on voit que toutes ces notions mystiques ont beaucoup moins de puissance de nos jours.
Si le Ayin Hara résulte d'un Kitroug, on comprend très bien qu'il serait plus dangereux aujourd'hui.
Une fois un homme religieux assez aisé est allé demander à Rav Steinman s'il pouvait s'acheter une très belle voiture à Bné Brak, ou bien il doit s'abstenir pour ne pas créer de la jalousie etc.
Rav Steinman lui a demandé "tu connais ton Shass ?". Il répond "Non". "Tu connais au moins une Massekhet à fond ?", il lui répond encore "non".
Alors Rav Steinman lui dit qu'il peut très bien acheter sa voiture, il n'y a pas de quoi être jaloux.
À un certain âge, il devient ridicule d'être jaloux de tout ...
QUELQUES SÉGOULOT
Est-ce autorisé de porter ce fil rouge ?
Le Shout Beer Moshé (VIII §36 ot 3) écrit que c'est autorisé de mettre le fil rouge. C'est un minhag qui date de plusieurs générations. Il ajoute que comme le dit le Rashba, il ne faut mépriser les anciennes coutumes.
Le Rabbi de Munkacz (Divrei Torah II, §71) écrit la même chose, qu'on a reçu la transmission que la couleur rouge fonctionne contre le Ayin Hara.
Le problème c'est que dans la Tossefta (Shabbat VIII, §4) on voit que d'après Rabbi Elazar bar Tsadok le fil rouge est considéré comme Darkei Haémori, une coutume d'idolâtrie !
Donc certains Rabbanim l'ont interdit et d'autres l'ont autorisé.
Et pour s'arranger avec cette Tossefta on peut dire que puisque les non-juifs ont arrêté avec cette habitude de fil rouge, ce n'est plus considéré comme Darkei Haémori.
Le Minhag Israel Torah (Yoré Déa page 97) parle un peu de ça.
Dans le Shout Vayaan David (III, §54 ot 7) du Rav Weiss, il ramène l'Admour de Pshevorsk.
C'est une 'Hassidout belge assez récente fondé par Reb Itzikl, décédé en 1976.
Lorsque Reb Itzikl venait à Paris, il priait au 25 rue des Rosiers.
Lui-même venait d'une famille plutôt Tsanz.
Reb Itzikl disait de mettre un fil rouge au bras du bébé ou sur sa poussette.
Et le Rav Weiss se demande comment ça marche ce fil rouge, si c'est quelque chose de mystique ou si c'est autre chose.
Il écrit que l'idée du fil rouge est peut-être d'attirer le regard sur le fil, plutôt que le regard des autres sur braquent sur son bébé etc.
Rav Wattenberg ajouterait qu'avec ça on peut justifier la coutume du fil rouge. Car la règle, comme l'écrit le Ran (Avoda Zara 2b et Sanhedrin 52b), ramené dans le Beth Yossef, est que lorsqu'une coutume non-juive a une raison logique particulière on ne peut pas la taxer de Darkei Haémori (de la même manière que l'on peut mettre des lunettes même si les non-juifs en mettent).
Cependant le Zohar (III page 163b) nous dit que c'est un fil bleu qui protège du mauvais œil ... Et le bleu n'attire pas autant le regard que le rouge ...
Le Bnei Issakhar dans son Reguel Yéshara (ot 70 §36 page 181) et le Ben Ish 'Haï dans son Lashon 'Hakhamim (II §15) écrivent qu'il faut insérer ses deux pouces dans ses deux narines pour protéger du Ayin Hara comme l'on dit nos Sages dans Brakhot 55b !
La Gmara là-bas nous dit celui a peur de son propre Ayin Hara doit regarder sa narine gauche. Et celui qui rentre dans une nouvelle ville et qui a peur du Ayin Hara doit mettre son pouce gauche dans la main droite et doit dire 'je suis de la descendance de Yossef et le Ayin Hara n'a pas d'emprise sur moi". Le Pélé Yoets rajoute qu'il faut dire ça tous les jours !
Ça paraît étonnant, comment sait-on que l'on est de la descendance de Yossef ?
Surtout que le Midrash Talpiot page 130a ramène que la majeure partie des Ashkénazim viennent de la tribu de Binyamin. Et pour les Sfaradim ils sont en majeure partie de Yéhouda (à part les Léviim et Cohanim). Donc au final, peu de juifs descendent réellement de Yossef.
Mais c'est vrai qu'il est écrit dans le Zohar (III page 302b) que la tribu de Binyamin aussi n'a pas à craindre le Ayin Hara.
Il faut aussi comprendre pourquoi la Gmara nous parle précisément de celui qui rentre dans une ville.
Alors le Pardes Yossef (Vayé'hi 49, 22 page 53a) explique que la main droite qui est la plus importante symbolise les occupations pour soi-même et pour sa famille et la main gauche symbolise la bonté que l'on peut faire à autrui.
Ainsi lorsqu'on arrive dans une nouvelle ville, il faut mélanger les deux mains, c'est-à-dire s'occuper du 'hessed avec les autres plus qu'avec sa propre famille.
Mais c'est un simple droush, ce n'est pas le pshat de la gmara.
On trouve en effet cette idée du mélange des pouces dans Psa'him 110a aussi pour éviter les démons, donc ce n'est pas lié directement au Ayin Hara.
Il y a encore la Ségoula qui consiste à mettre le pouce entre l'index et le majeur, pour annuler le Ayin Hara.
Cette Ségoula est très répandue, même chez les autres peuples.
Déjà chez les étrusques il y avait cette croyance.
Eugène Lefébure dans le Bulletin de la Société de géographie d'Alger de l'année 1907 page 417, parle de cette Ségoula contre la mauvais œil.
On a encore dans la divine comédie de Dante (début §25).
Le Pardes Yossef poursuit, que cet homme est considéré comme un descendant de Yossef car il a aidé les égyptiens à se nourrir pendant la famine etc. Et le Talmud Sanhedrin 19b dit qu'on considère comme son père celui qui nous a enseigné.
Beaucoup d'autres A'haronim écrivent des choses similaires, que tous les descendants du peuple juif sont appelés descendants de Yossef : le Shiourei Tahara (Ot 1 §41) au nom du 'Hida dans Marit Aayin (Baba metsia 84) ramènent des versets dans ce sens ainsi que le Midrash Raba (Bereshit Raba parasha 71 §2), le Sho'har Tov Mizmor 3, le Maharsha aussi (Brakhot 55b), le Yaabets là-bas aussi, le Lamnatseah Ledavid. Le Yalkout Shimoni (Shmouel remez 129) écrit aussi cela explicitement.
Le Maharsha rajoute une autre idée, bien qu'on ne soit pas les enfants des Yossef, il ne s'agit ici que d'une formule (un la'hash).
Il y a encore une autre explication dans ce rattachement à Yossef.
Rabbi Tsadok Hacohen de Lublin explique (Tsidkat Hatsadik ot 117) que Yossef est à l'abri du Ayin Hara car il est Shomer Habrit, il n'a pas fauté avec la femme de Potiphar.
Rav 'Haïm Pallagi dans son Nefesh 'Haïm (ot 70 §28 page 168a) cite un Zohar (vayakhel page 225) qui dit que le Ayin Hara n'a pas d'emprise sur ce qui a de la kdousha (sainteté).
La Gmara dans Brakhot 20a nous dit sur Yossef, qu'un œil qui n'a pas voulu regarder avec envie ce qui ne lui appartenait pas (ça fait allusion à la femme de Potiphar), le Ayin Hara n'a pas d'emprise sur lui.
Et c'est ça que veut dire la phrase "je suis de la descendance de Yossef", faire attention à ce que l'on regarde.
Et cette Ségoula marche aussi pour les femmes.
Une femme aussi doit faire attention à ce qu'elle voit comme on le voit dans le Midrash Shmouel (parasha 3 §8) et le Yalkout Shimoni sur Shmouel (remez 108)
C'est aussi cité dans les décisionnaires : le Yefé Lalev (IV, §21 ot 3 page 11c) et dans le Shout du Rav Wozner Shevet Halévy (V §197 ot 2)
Tout cela ramène qu'une femme aussi a l'interdiction de regarder avec envie et mauvaises pensées un homme.
Porter un morceau en métal (certains disent qu'il doit être en argent etc.) de la forme d'un Hé (valeur numérique de 5).
Le 'Hida en parle dans son Peta'h Enayim (Brakhot 20) et dans son Midbar Kedemot (ot 4 §6). Le Yalkout Réouvéni (parshat Vayé'hi page 177b) et le Nefesh 'Haïm (ot 5 §1).
Peut-être est-ce la source du 'Haï.
Pourquoi pas plutôt 'Haïm qui signifie la vie, plutôt que 'Haï qui signifie vivant et quel rapport avec le mauvais œil ?
Pourquoi pas non plus prospérité, santé ou bonheur ?
Rav Wattenberg a pensé que c'est peut-être une déformation du Hé avec le petit apostrophe ensuite qui indique que c'est une lettre, au final ça s'est peut-être déformé en 'Haï.
Le Ben Ish 'Haï (Shana beth, parshat pin'has fin §3) écrit au nom du 'Hida que la coutume est de dire (et non de porter) «'Hamsha». Il dit que c'est pour ça que l'on accroche un petit bout de bois avec une main (5 doigts) et on met la lettre Hé dessus.
Dans les Drashot Ben Ish 'Haï (page 25), il écrit à propos du verset dans 'Hayé Sarah (Bereshit 24, 21) véhaish mishtaé la que mishtaé sont les lettres de sam ete hé, Eliezer a mis un hé sur Rivka.
Le Kountras Haye'hiéli (I page 42a) amène au nom de Rav 'Haïm Sonnenfeld un Zohar (II page 172a en bas) qui dit que lorsque quelqu'un tend la main avec les cinq doigts bien ouverts, alors tous les maléfices et sortilèges sont repoussés.
Cette croyance aussi se retrouve dans d'autres peuples.
Les musulmans ont aussi ont le 'Hamsha et la main, comme l'écrit Edmond Doutté dans Magie et religion dans Afrique du Nord (1909 page 326-327).
Difficile à dire qui a trouvé cette idée en premier ...
Mais il semblerait du Zohar cité plus haut que ce soit une bonne source au 'Hamsha et que ce sont donc les musulmans qui auraient emprunté l'idée aux juifs.
(À moins que cela ne fasse partie des ajouts tardifs dans le Zohar.)
Le Maor Vashemesh (parshat Balak) écrit que celui qui ne porte pas l'œil sur autrui est protégé du Ayin Hara.
Et c'est pour cela que lorsque Bilam a voulu maudire les juifs, mais a vu que les tentes étaient positionnées de sorte à ne pas voir ce qui se passe chez l'autre, il a compris que les juifs évitaient de se porter le Ayin Hara entre eux Et c'est ça qui a inversé la malédiction en bénédiction.
Quoi de plus naturel que le Ayin Tov pour annuler le Ayin Hara !
Être satisfait des réussites de son prochain est donc une Ségoula pour ne pas souffrir du Ayin Hara.
Le 'Hida dans Dvash Lefi (ot tsadik §27) dit au nom du Arizal que le Tsitsit sauve du Ayin Hara.
Et dans le Reguel Yésharim (cité plus haut ot ayin §36) qu'il faut regarder ses Tsistit lorsque l'on craint le Ayin Hara.
Il existe une ségoula pour celui qui a peur du Ayin Hara sur ses enfants.
Rav Ephraïm Bilitzer écrit dans son Yad Efraïm (annotations sur le Tsava de Rabbi Yéhouda 'Hassid §38 page 22) que lorsque les parents sont ensembles les enfants sont protégés du Ayin Hara. Ensemble physiquement mais aussi mentalement. C'est-à-dire que s'il y a la paix au foyer ça protège les enfants.
La même idée est ramenée un peu différemment dans le Bné Issakhar dans Igra Depirka (§32) au nom de Sefer Hakana.
Cette Ségoula est ramenée par certains auteurs qui considéraient que l'autruche couveraient ses œufs par le regard (on sait aujourd'hui que ce n'est pas vrai).
Le Sidour du Yaabets (Beth Yaacov page 437a) ramène qu'en Turquie la coutume était d'accrocher un œuf d'autruche dans la synagogue ! Car l'œuf d'autruche est censé rappeler aux gens la concentration lors des prières. Pourquoi ?
Car en voyant cet œuf couvé par le regard, on se rend compte que l'œil est quelque chose de puissant. Et donc il ne faut pas balayer son regard pendant la prière.
Peut-être est-ce encore une Ségoula, de se concentrer lors de la prière et en ne détournant pas son regard.
Le Nefesh Ha'hayim (Shaar 3 perek 12) du Rav de Volozhin ramène que le fait de penser très fort à "Ein od Milevado", que seul Hashem gère le monde, ça protège du mauvais œil et même des dangers naturels.
Ça ressemble à ce que disait Rav Feinstein que celui qui ne fait pas attention au Ayin Hara n'est pas endommagé. Si l'on est convaincu que c'est Hashem qui dirige tout, le Ayin Hara n'a pas d'emprise.
Rav Schlesinger de Genève dans son Shout Beer Sarim (VI §68 ot 6) ramène qu'écrire un Sefer Torah ou un autre livre d'étude de Torah est une Ségoula contre le mauvais œil. Ou au moins participer à l'écriture de ces livres.